Alzheimer et conduite automobile : les gériatres se félicitent de recommandations « plus humaines »

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Publié le 25/07/2025
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Après l’arrêté de 2022 qui les avaient fait bondir, la Société française de gériatrie et de gérontologie et la Fédération des centres mémoire annoncent la publication officielle de nouvelles recommandations sur l’aptitude à la conduite automobile de personnes avec Alzheimer ou maladie apparentée, en partenariat avec la Délégation à la sécurité routière.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

C’est un soulagement pour les gériatres. Après le tollé suscité par un arrêté en mars 2022, la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG) et la Fédération des centres mémoire (FCM) se félicitent de la publication officielle, le 24 juillet, de nouvelles recommandations sur la conduite automobile pour les personnes atteintes de pathologies neurocognitives, comme la maladie d’Alzheimer.

Ce texte, qu’ils ont élaboré avec la Délégation à la sécurité routière (DSR), est « une avancée majeure pour une médecine plus juste et plus humaine », intégrant à fois « les réalités cliniques, les enjeux de sécurité et le respect des droits des patients », écrit la SFGG dans un communiqué.

« Nous sommes très heureux de cette issue », se réjouit la Pr Maria Soto, présidente sortante de la Fédération des centres mémoire, qui souligne leur engagement à défendre « la dignité des personnes vivant avec des troubles cognitifs ». Maladie d’Alzheimer mais aussi maladie à corps de Lewy, dégénérescence fronto-temporale et troubles d’origine vasculaire comptent parmi les troubles les plus fréquents.

Ce travail fait suite à l’arrêté du 28 mars 2022, qui fixe la liste des affections médicales incompatibles ou compatibles avec ou sans aménagements pour le permis de conduire. Alors que le texte législatif stipule « une incompatibilité définitive à la conduite pour les patients souffrant d'une maladie d'Alzheimer ou apparentée (MA2) dès le stade 3 de l'échelle de Reisberg », les gériatres avaient critiqué que la décision ne repose que sur un score, et ce d’autant que cette échelle n’est plus utilisée en pratique.

La SFGG, la FCM ainsi que le Collège de la médecine générale et l’Automobile Club médical de France s’étaient immédiatement mobilisés pour alerter « sur les risques d’exclusion sociale injustifiée » et appeler « à une révision du dispositif ». En 2023, les quatre organismes se sont alors associés pour produire un premier travail collaboratif, qui a servi de base pour reprendre le dialogue avec la DSR et actualiser le dispositif.

Médecins traitants et médecins agréés, des cadres d’évaluation différents

Les nouvelles recommandations précisent comment les médecins traitants peuvent repérer et évaluer les conducteurs des permis de conduire du groupe 1 (aussi appelé « groupe léger »), sachant que le cadre ne bouge pas pour les professionnels du groupe 2 (« groupe lourd ») (ces derniers restent soumis à un contrôle par un médecin agréé périodique et systématique et une suspension de la conduite est exigée dès la suspicion de troubles cognitifs, y compris aux stades débutants).

Pour le groupe 1, deux cadres sont clairement distingués pour la démarche d’évaluation, selon qu’il s’agisse du médecin traitant ou du médecin agréé, les situations étant très différentes. L’intérêt pour le patient à venir spontanément voir le médecin agréé existe uniquement s’il pense pouvoir continuer à conduire malgré les doutes exprimés par le médecin traitant. Tout avis du médecin agréé (aptitude/inaptitude/aptitude temporaire en cas de troubles évolutifs) est directement transmis au préfet, qu’il soit demandé après contrôle médical obligatoire après infraction, après un signalement au préfet (gendarmerie/police, entourage, autre), par le médecin traitant en cas de doute ou même par le patient.

Pour ce qui est du médecin « traitant » (généraliste ou spécialiste), il est clairement spécifié qu’il est lié à son patient « par le secret médical absolu ». Le médecin donne à son patient tous les éléments qui lui sont nécessaires. « En revanche, les médecins ne peuvent pas répondre directement à une question du médecin agréé pour un patient qu’ils soignent, les échanges ne peuvent se faire que par l’intermédiaire du seul patient conducteur », insistent les recommandations.

Un protocole simplifié pour les généralistes

Pour l’évaluation par les généralistes, un protocole simplifié, adapté au temps dont ils disposent, peut faire appel au GPCog ou au seul test de l’horloge avec un auto-questionnaire pour le patient et son accompagnant. Pour rappel, le test de l’horloge consiste à demander au patient de dessiner le cadran d’horloge, à y inscrire tous les chiffres à l’intérieur et à y indiquer une heure donnée. La consigne peut être écrite et répétée autant de fois que nécessaire. La cotation se fait sur un total de 7 (3 points pour l’indication de l’heure, 2 pour les chiffres, 2 pour l’espacement). Un score de 5-6/7 est en zone grise tandis qu’un score < 5/7 est une alerte.

Si le médecin traitant est sûr de l’absence de troubles cognitifs réels, il le dit à son patient et note dans le dossier avoir donné l’information. À l’inverse, si le médecin n’a pas de doute sur l’existence de troubles incompatibles avec la conduite, « il dit à son patient de ne pas reprendre le volant dès la sortie de la consultation et il inscrit dans son dossier le fait qu’il a donné cette information ». Si le médecin généraliste a un doute, il conseille l’arrêt de la conduite et demande un avis spécialisé auprès d’une équipe pluriprofessionnelle (service de réadaptation, de gériatrie, de neurologie ou centre mémoire).

Ces spécialistes effectueront une évaluation pluridisciplinaire personnalisée, neuropsychologique, neurologique et globale avec les mêmes auto-questionnaires. De la même façon, le médecin spécialiste informe son patient du stade des troubles cognitifs constatés et il note dans son dossier avoir donné l’information ainsi que « le conseil pour la conduite en fonction du stade constaté ». Si la conduite n’est pas possible, il lui demande de ne pas repartir au volant.


Source : lequotidiendumedecin.fr