La chirurgie ambulatoire s’est ancrée depuis des années dans le paysage sanitaire mais la pratique reste en deçà des objectifs nationaux fixés, selon l'outil Visuchir de l’Assurance-maladie qui permet d'explorer de manière interactive les données chirurgicales des professionnels et établissements de santé.
De fait, en dépit des progrès réalisés, la montée en charge récente est jugée trop lente, selon le dernier rapport dit « charges et produits » de la Cnam, document de référence sur les économies et recettes de l’Assurance-maladie qui guide le gouvernement pour la préparation du budget de la Sécurité sociale (PLFSS). « Bien qu’en hausse constante depuis 2013 (…), le taux de chirurgie ambulatoire calculé à partir de l’outil Visuchir aurait pu s’élever à 82 % », alors qu’il stagne aujourd’hui à 64 %, regrette le rapport. Le constat est donc mitigé : après une bonne dynamique constatée lors de la décennie précédente (+20 points entre 2010 et 2020), la chirurgie ambulatoire marque clairement le pas. Au point que la Cnam réclame d’enclencher et de réussir la « deuxième vague » pour atteindre la fameuse cible de 80 %, avec un « plan opérationnel ».
18 gestes marqueurs
Initialement ciblée sur 18 gestes marqueurs identifiés par la Société internationale de chirurgie ambulatoire à partir de 2003, la chirurgie ambulatoire s’est étendue progressivement à l’ensemble des actes et spécialités. Le taux national de chirurgie ambulatoire recensé par Visuchir a dépassé 60 % au début des années 2020 (avec une progression moyenne annuelle de 2 à 2,5 points), avant de connaître une évolution plus saccadée et une stagnation préoccupante. « Pour 2023, il s’agit de la plus faible progression annuelle depuis quinze ans, hors Covid, avec un taux ambulatoire national de 63,7 %. Même si la chirurgie ambulatoire a dépassé les 4 millions de séjours, son taux a progressé de moins d’un point. La France présente des taux de chirurgie ambulatoire parfois faibles sur certaines chirurgies par rapport à nos voisins », précise le rapport charges et produits.

Au rythme actuel de progression ambulatoire, il faudra attendre 2043 pour rejoindre le taux cible de 80 %
Lettre Visuchir, juillet 2025.
Alors que le taux stagne autour de 64 % en 2024, la lettre Visuchir publiée par la Cnam en juillet enfonce le clou. « Au rythme actuel de progression, il faudra attendre 2043 pour rejoindre le taux cible de 80 % et 2046 pour atteindre celui de Visuchir (82 %), soit 1,28 million de séjours conventionnels transférables », peut-on lire. Ce potentiel ambulatoire (idéal) est calculé à partir des 20 % des meilleures pratiques ambulatoires françaises constatées en 2024.
Les cliniques, meilleures élèves
Dans le détail des établissements de santé, les cliniques privées parviennent à tirer leur épingle du jeu. Ainsi, les 40 premiers établissements français en volume chirurgical ambulatoire sont des cliniques, sauf deux CHU, un CH et un Espic (privé non lucratif). Le secteur privé prend en charge 65 % de la chirurgie ambulatoire totale avec des segments très forts (cataracte, arthroscopie, etc.), confirme le dernier panorama des établissements de santé (édition 2025).
Selon Visuchir, les cliniques privées affichent un taux national de chirurgie ambulatoire de 74,2 % en 2024, assez proche de la cible de 80 %, devant les Espic (65,1 %) puis les centres de lutte contre le cancer (57,2 %). Les centres hospitaliers et les CHR/CHU qui prennent en charge 2,37 millions de séjours chirurgicaux présentent un taux global de 48,3 %, avec un potentiel de transfert ambulatoire estimé à 597 000 séjours.

Freins divers
Ressources humaines qui font défaut, manque d’accompagnement des équipes, locaux inadaptés, difficultés à modifier les pratiques ou à se réorganiser : diverses raisons peuvent expliquer les difficultés constatés pour changer de braquet en matière de chirurgie ambulatoire.
Au centre hospitalier Rethel-Vouziers, l’activité de chirurgie ambulatoire a repris seulement depuis le 21 juillet, le manque d'hygiène au sein du bloc opératoire ayant été pointé par l'ARS début juillet. L’agence déplorait également le manque d'anesthésistes et des défauts de signalement après des événements indésirables. Le Groupe Hospitalier Sud Ardennes (GHSA) a apporté des garanties, dont une « mission d'appui » coordonnée par un médecin du CHU. L’hôpital s’est aussi engagé à mettre en place des contrôles aléatoires mensuels au sein du bloc, transmis à l'ARS.
82 %, c’est un mauvais message. Ce chiffre punitif n’est pas pertinent, pas tenable et énerve tout le monde
Pr Karine Nouette-Gaulain, présidente de l’Afca
La question se pose aussi de la déconnexion entre certains objectifs fixés par les tutelles et les réalités du terrain vécues par les équipes chirurgicales. Quand la Cnam, à partir de son outil Visuchir, affirme que le taux potentiel ambulatoire pourrait dépasser 82 %, en se basant sur les 20 meilleures pratiques ambulatoires françaises, le discours est parfois contreproductif. « 82 %, c’est un mauvais message. Ce chiffre punitif n’est pas pertinent, pas tenable et énerve tout le monde », tacle la Pr Karine Nouette-Gaulain, anesthésiste à Bordeaux, coprésidente de l’Association française de chirurgie ambulatoire (Afca). Au lieu de fixer un cap uniforme, la présidente recommande d’insuffler une nouvelle dynamique en mobilisant toutes les équipes sur l’intérêt concret de la chirurgie ambulatoire, y compris pour les paramédicaux libéraux qui prendront le relais en postopératoire.
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