Cette (dé)marche ne fera sûrement pas l'unanimité dans le corps médical. Pourtant, quelques-uns parmi ses membres ont répondu à l'appel. Pas moins de quinze médecins, une pharmacienne biologiste, une infirmière et des encadrants ont marché 100 km en 7 jours entre le Mont-Saint-Michel et Saint-Malo en observant le jeûne. Tous membres de « l'Académie médicale du jeûne » (AMJ), ils ont réalisé ce petit exploit pour échanger et faire connaître le jeûne, et notamment la méthode Buchinger, mise au point par un certain Otto Buchinger, médecin militaire allemand au début du XXe siècle. Les randonneurs n'ont absorbé que de l'eau, des jus de fruits, des tisanes et des bouillons de légumes durant toute la marche.
Le groupe de soignants a commencé son périple d'une semaine le 18 septembre dernier dans la baie du mont Saint-Michel avec pour objectif d'atteindre les remparts de Saint-Malo, en passant par Cherrueix et Cancale. Aucun des participants n'était primo-jeûneur à cette marche qui était, quant à elle, une première pour « l'académie » en tant qu'organisatrice.
« L'Académie de médecine du jeûne a été créée en 2019 par quatre personnes dont trois médecins au retour d'un congrès sur le jeûne à Überlingen, dans le sud-ouest de l'Allemagne », indique son président, le Dr Jacques Rouillier, généraliste à Saint-Malo, qui participait également à cette aventure.
Plusieurs spécialités représentées
Le parcours a emprunté le magnifique sentier de grande randonnée GR 34. En tout, 7 étapes de 15 kilomètres maximum à marcher et partager une expérience entre convaincus. Les spécialités représentées à cette marche étaient diverses : médecine générale, dermatologie, rhumatologie, gynécologie, gériatrie, soins palliatifs et pédiatrie.
Pour la Dr Véronique Pillon, parcourir 100 km était « un défi symbolique ». Il s'agissait pour la généraliste de convaincre ses pairs que « malgré un apport quasi nul de calories, le corps a la capacité de s'adapter, que la santé n'est pas mise en danger ». Il lui fallait attirer leur attention en s'adressant à eux au travers de leur terrain d'action, dit-elle, le corps et sa santé.
Tous les participants semblaient motivés par l'envie de partager leurs connaissances et leurs expériences entre professionnels du soin. Telle que Catherine Ruyssen, pédiatre à Wavre, en Belgique, qui ne peut évidemment indiquer cette pratique à ses patients. « Mais il m'arrive de proposer un jeûne intermittent aux adolescents présentant obésité et syndrome métabolique », précise-t-elle.
Parmi les médecins randonneurs, une gynécologue libérale exerçant en Seine-et-Marne, dit « échanger sur la méthode Buchinger avec ses patientes ». Notamment celles « qui présentent une endométriose » ou un syndrome métabolique.
Le Dr Jean-Marie Dessaint, ancien généraliste libéral et aujourd'hui coordonnateur en Ehpad, s'est entraîné avant le départ dans ses montagnes, autour de Grenoble. Peut-être le doyen du groupe, à 75 ans, il pratique le jeûne intégral et le jeûne intermittent depuis déjà quelque temps. Si un de ses patients en a le souhait et les capacités, le médecin lui conseille exercice physique et jeûne associés permettant, selon lui, un bien meilleur « décrassage » de l'organisme.
Convaincre les confrères ?
Les expériences respectives des médecins-jeûneurs variaient entre 3 à 4 jours et plus de 10 jours pour certains. Des étapes ont dû être raccourcies pour deux d'entre eux mais personne n'a abandonné. Tous les médecins ont réellement observé le jeûne, sans difficulté, se félicite l'organisateur de l'événement. Selon le président de l'AMJ, « cette première marche visait à montrer que la méthode Buchinger est simple, compatible avec l'exercice physique d'endurance à la condition que soient respectées les contre-indications du jeûne, liées à l'état de santé ou à une période de la vie inadaptée ». Pour cela, « l'Académie médicale du jeûne » a pour objectif d'informer et de former des médecins et des soignants à la connaissance médicale du jeûne, de ses mécanismes, de ses indications et de ses contre-indications.
« La réalisation d'une randonnée de 100 kilomètres par des médecins veut montrer qu'il s'agit d'un domaine thérapeutique validé qui doit susciter l'intérêt médical », indique Jacques Rouillier, à propos d'une pratique pourtant controversée. « Plus de 20 000 personnes jeûnent chaque année en France, il est temps, demande le médecin à ses confrères, que nous nous intéressions de près à cette pratique. »
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