S’il était connu que l’épithélium pulmonaire jouait un rôle majeur dans l’inflammation respiratoire, les mécanismes initiateurs ne l’étaient pas. C’est ainsi une découverte significative que fait cette équipe française, puisqu’elle ouvre la porte vers de nouveaux traitements de l’allergie respiratoire. Les maladies allergiques touchent en France au moins 17 millions de personnes, dont quatre millions d’asthmatiques.
En effet, les chercheurs CNRS, Inserm, et Université de Toulouse III ont identifié TL1A (TNF-like ligand 1A), une alarmine épithéliale, comme étant une des molécules provoquant l’inflammation respiratoire, et donc la réaction allergique. Un traitement de l’allergie respiratoire par des anticorps anti-TL1A pourrait ainsi être développé, à la lumière de ces connaissances ; des traitements anti-TL1A sont d’ailleurs en cours de développement clinique dans les maladies inflammatoires de l’intestin. Ces travaux, codirigés par les chercheurs Corinne Cayrol et Jean-Philippe Girard sont publiés dans Journal of Experimental Medicine, avec le soutien de l’Agence nationale pour la recherche.
Rôle central des alarmines dans l’allergie
Après exposition à un allergène de type moisissure, les cellules de l’épithélium pulmonaire sécrètent TL1A. La molécule s’associe alors à une autre alarmine, l’interleukine 33 (IL-33), afin de déclencher l’inflammation allergique. Plus précisément, ces deux molécules donnent l’alerte au système immunitaire qui déclenche par la suite une production d’interleukines (IL-5 et IL-13 notamment) à l’origine de l’inflammation, et donc de la réaction allergique.
Le rôle de l’IL-33 dans l’immunité de type 2 et l’asthme était connu depuis longtemps, de concert avec d’autres molécules comme TSLP (thymic stromal lymphopoietin). Mais des données de littérature suggéraient que d’autres médiateurs pouvaient, pareillement à IL-33, induire l’expression d’interleukines et ainsi l’inflammation. C’est pourquoi les auteurs ont recherché les co-facteurs de l’IL-33 qui pouvaient agir, en amont de la cascade inflammatoire, au niveau de l’épithélium. Ils ont identifié TL1A, une cytokine épithéliale exprimée dans l’épithélium pulmonaire de la souris et de l’homme, qui fonctionne de façon similaire à l’IL-33. À elles deux, TL1A et IL-33 induisent la sécrétion de l’IL-9 par les cellules ILC2 pulmonaires et donc le déclenchement de l’inflammation respiratoire allergique ; leur analyse a montré qu’une expression accrue d’IL-9 caractérisait l’état inflammatoire, avec une capacité à provoquer l’inflammation IL-5 dépendante (intervention des éosinophiles). Cette cascade de réactions inflammatoires a été observée in vivo par l’équipe chez des modèles murins.
Une expression de TL1A différente chez les asthmatiques
De façon intéressante, en étudiant les données génétiques humaines les scientifiques ont pu constater que TL1A était exprimée dans l’épithélium alvéolaire de type 1 et 2, et dans les cellules basales respiratoires chez les humains aux poumons sains. En revanche, chez les asthmatiques, TL1A est exprimée dans les cellules basales respiratoires des voies respiratoires basses, un type cellulaire où s’expriment également de façon importante IL-33 et TSLP.
Les auteurs interprètent leur découverte en expliquant que TL1A a pour rôle « d'augmenter l'amplitude et la durée du signal d'alarme IL-33 par l'induction synergique de la production d'IL-9 par ILC2 ». Toutes ces molécules fonctionneraient donc comme « un système d'alarme séquentiel », immédiatement activé après l'exposition à l'allergène pour une manifestation rapide de l'inflammation allergique des voies respiratoires. Selon eux, cibler les cytokines épithéliales que sont TL1A, pourrait avoir un effet plus large sur les cytokines et les cellules immunitaires de la cascade de réactions. Ainsi, un traitement par anti-alarmine « serait intéressant pour de la médecine de précision, en ciblant les mécanismes de l’asthme spécifiques à chaque personne », et permettrait de traiter un panel plus large de patients.
Photo : Visualisation en microscopie de cellules immunitaires (en vert) activées par les alarmines TL1A et interleukine-33 lors du déclenchement de l’inflammation allergique au niveau des poumons. Les cellules immunitaires ILC2s produisent de grandes quantités d’interleukine-9, un médiateur clé de l’inflammation allergique. Elles sont localisées à proximité des fibres de collagène (en bleu) et des vaisseaux sanguins du poumon (en rouge).
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce