Aux patients de plus de 65 ans souffrant d’insuffisance rénale pour qui la transplantation n’est pas indiquée, est-il préférable de proposer une mise sous dialyse immédiatement ou de la retarder le plus possible tout en initiant un traitement symptomatique ? C’est la question que s’est posée une équipe de l’Université de Stanford dans une étude publiée dans Annals of Internal Medicine.
Ce travail démontre un gain modeste de la mise sous dialyse immédiate sur la survie, d’environ une semaine supplémentaire, et une perte de jours passés au domicile. Pour le Pr Jean-Baptiste Beuscart, néphrologue au CHRU de Lille, « cette étude délivre un résultat puissant et incite à questionner nos pratiques, notamment la mise systématique sous dialyse sur la seule base d’un seuil limite franchi ». « Les patients et leur famille supposent parfois que la dialyse est la seule option, ou qu'elle prolongera leur vie de manière significative, a quant à elle commenté Maria Montez Rath, ingénieure de recherche et première autrice. Ils disent souvent oui à la dialyse, sans vraiment comprendre ce que cela signifie ».
L’essai ciblé émulé (simulation d’un essai clinique randomisé) a inclus 20 440 patients âgés de plus de 65 ans souffrant d’insuffisance rénale chronique. Il compare l’effet sur la survie et le temps passé au domicile de l’initiation immédiate d’une dialyse lorsque le débit de filtration glomérulaire (DFG ) est inférieur à 12 ml/min/1,73 m2 avec celui d’un traitement symptomatique, en attendant que la dialyse soit absolument nécessaire « lorsque la pression clinique n’est plus gérable par des médicaments », précise le Pr Beuscart. Les patients étaient à 98 % des hommes et les données provenaient du département des vétérans américains.
56,4 % de survie dans le groupe dialyse et 56,1 % dans le groupe traitement
Parmi les 20 440 patients (âgés en moyenne de 77,9 ans), le temps médian avant l’initiation de la dialyse était de huit jours dans le groupe « dialyse immédiate » et de trois ans dans le groupe « traitement ». Parmi les patients du groupe dialyse (n = 8 554), la survie était de 770 jours ; ils passaient 13,6 jours de moins à leur domicile que l’autre groupe (en plus des jours de dialyse). Parmi les patients du groupe traitement, la survie était de 761 jours, et environ la moitié des patients finissaient par entrer en dialyse dans les trois ans ; ces derniers vivaient alors 77,6 jours de moins que les patients du groupe dialyse immédiate, mais passaient quatorze jours de plus à domicile que le groupe dialyse. Dans les trois ans, il y avait 56,4 % de survie dans le groupe dialyse et 56,1 % dans le groupe traitement. « L'étude nous montre que si vous commencez la dialyse immédiatement, vous survivrez peut-être plus longtemps, mais vous passerez beaucoup de temps en dialyse et vous aurez plus de chances de devoir être hospitalisé », interprète Montez Rath.
Les résultats varient également en fonction de l’âge. En effet, les patients âgés de 65 à 79 ans du groupe traitement allaient finalement en dialyse (63 %) dans un délai médian d’un an alors que les plus de 80 ans y allaient (32 %) dans un délai médian de plus de trois ans. De plus, chez les 65-79 ans, ceux ayant eu un traitement avaient une meilleure survie de 16,6 jours ; tandis que chez les plus de 80 ans, ceux ayant commencé la dialyse immédiatement ont vécu en moyenne 60 jours de plus, mais passaient 12,9 jours de moins à leur domicile.
« Mettre un stop à la dialyse systématique »
Pour rappel, en France, la Haute Autorité de santé indique qu’en cas de besoin d’une suppléance rénale, la transplantation peut être proposée jusqu’à 85 ans, et que le choix de traitement, dialyse ou traitement conservateur, est à discuter en fonction des souhaits du patient, notamment au regard de sa qualité de vie. « Pour tous les patients, mais en particulier pour les personnes âgées, il est essentiel de comprendre les compromis », indique Manjula Tamura, néphrologue et autrice senior.
Le néphrologue de Lille salue dans cette étude la méthodologie, « qui rapproche les données au plus près de la vraie vie en éliminant les biais de sélection ». Il retient aussi le questionnement de la pratique clinique : « Il faut mettre un stop à la dialyse systématique, coûteuse pour les patients et les structures, et ne plus la décider sur la seule base d’une DFG à 12 ou 14. Il est possible de la repousser ».
« Ce qu’il faut retenir c’est que pour les 65-79 ans, il n’y a pas d’intérêt d’une dialyse immédiate », insiste-t-il. Quant aux patients de plus de 80 ans, comme l’expliquent aussi les auteurs de l’étude, ils présentent un risque morbide souvent important que la dialyse risque d’aggraver. Aussi est-il préférable de discuter d’un traitement conservateur, conclut le Pr Beuscart.
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