Cancer de l’ovaire : la description inédite d’un état précurseur ouvre une piste pour la détection précoce

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Publié le 26/06/2025
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Une équipe de la Mayo Clinic (États-Unis) rapporte le cas d’une jeune femme de 23 ans, à haut risque génétique de cancers, qui a présenté des anomalies épithéliales au niveau des trompes de Fallope lors d’une annexectomie prophylactique. Des signes précurseurs d’un cancer de l’ovaire, selon les scientifiques.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

L’équipe de la Mayo Clinic (Minnesota, États-Unis) rapporte une découverte qui éclaire la physiopathologie du cancer de l’ovaire à travers le cas clinique d’une patiente de 23 ans, à haut risque génétique de cancers. Cette jeune femme, porteuse de mutations BRCA2, responsable du syndrome héréditaire de prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire, et de TP53 à l’origine du syndrome de Li-Fraumeni, avait été prise en charge dans ce centre renommé américain pour un cancer du sein (carcinome canalaire infiltrant de grade 2 ER+/PR+/HER2–), ainsi qu’un carcinome papillaire du rein de grade 3.

Compte tenu du risque considérablement accru de cancers au cours de sa vie, la jeune femme a fait le choix d’une hystérectomie avec salpingo-ovariectomie bilatérale préventive en complément du traitement de ses cancers. Ce cas clinique est publié dans JCO Precision Oncology, le journal de la Société américaine d’oncologie clinique (Asco).

En analysant de plus près les trompes de Fallope de la patiente, l’équipe de la Mayo Clinic a détecté des changements précoces dans l’épithélium, jusque-là passés inaperçus, révélant ainsi des signaux annonciateurs d’un cancer de l’ovaire. « Notre équipe a entrevu un phénomène rare et révélateur de la biologie épithéliale », explique la Dr Nagarajan Kannan, directrice du laboratoire de biologie des cellules souches et du cancer à la Mayo Clinic dans un communiqué de presse.

En utilisant des technologies de pointe, l’équipe a retracé la façon dont les cellules épithéliales ont été modifiées dans leur développement. « Ces connaissances pourraient ouvrir la voie à de futures stratégies de détection de la maladie à ses premiers stades précancéreux, lorsque la prévention est encore possible », poursuit-elle. « Savoir comment le cancer de l'ovaire commence et se forme pourrait non seulement conduire au développement d'outils de dépistage plus précoces, mais aussi à des stratégies de réduction des risques plus personnalisées et à une meilleure orientation du calendrier des chirurgies préventives et de la planification de la fertilité », enchérit la Dr Jamie Bakkum-Gamez, chirurgienne onco-gynécologique de la patiente.

Changement de la population cellulaire

Pour le traitement de ses tumeurs, les médecins souhaitant éviter la radiothérapie, la patiente a subi une double mastectomie et une néphrectomie partielle, suivies d’une chimiothérapie. Le caractère bénin d’un kyste ovarien a été confirmé lors de la salpingo-ovariectomie bilatérale. Durant la chirurgie, les médecins ont ôté des nodules le long du mésentère de l’iléon terminal, symptômes d’une tumeur desmoïde.

Dans les cellules de la trompe de Fallope, les scientifiques ont constaté que les cellules sécrétoires étaient anormalement plus nombreuses que les cellules multiciliées. Ils ont également remarqué q’elles étaient à l'origine d'une inflammation chronique, un facteur connu de développement du cancer. « Grâce au séquençage de l'ARN d'une cellule unique (scRNA-seq), nous avons pu observer des perturbations dans le développement des cellules qui tapissent la lumière de la trompe de Fallope, des résultats qui pourraient nous aider à mieux comprendre et, en fin de compte, à prévenir le cancer de l'ovaire », précisent les auteurs.

De plus, les cellules des trompes de Fallope ne présentaient aucun récepteur de la progestérone, suggérant ainsi que « les contraceptifs oraux n’ont peut-être pas été efficaces pour réduire le risque de cancer de l’ovaire chez elle », écrivent les auteurs, quand il y avait à l’inverse une surexpression des récepteurs aux œstrogènes et de PAX8. Enfin, l’équipe retrouve les prémisses d’une signature p53, la lésion précancéreuse la plus précoce retrouvée dans les trompes de Fallope dans le cancer de l’ovaire de haut grade.

Une biobanque de trompes de Fallope pour mieux comprendre le cancer de l’ovaire

À la Mayo Clinic une biobanque de trompes de Fallope vivantes a été créée à partir de prélèvements sur des patientes, dont celle du cas clinique présentée ci-dessus. Les scientifiques y cultivent des organoïdes de patientes présentant un risque moyen à élevé de cancer de l’ovaire, notamment de celles porteuses de mutations cancéreuses héréditaires. Les scientifiques espèrent trouver comment et où les origines les plus précoces du cancer de l'ovaire s'enracinent.


Source : lequotidiendumedecin.fr