Les ultrasons focalisés de faible intensité, une piste pour lutter conte la dépression résistante

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Publié le 06/05/2025
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Un essai clinique français sur cinq patients souffrant de dépression résistante montre la sécurité d’un nouveau dispositif basé sur l’utilisation d’ultrasons focalisés de faible intensité. Une voie non invasive de stimulation transcrânienne qui a permis de réduire significativement la sévérité des troubles.

Crédit photo : BURGER / PHANIE

Des ultrasons focalisés de faible intensité pour lutter contre la dépression : tel est le pari de chercheurs français qui publient les résultats prometteurs d’une petite étude de sécurité dans Brain Stimulation.

Les épisodes dépressifs caractérisés sont les troubles mentaux les plus fréquents, et toucheraient une personne sur cinq au cours de sa vie. En France, selon le baromètre de Santé publique France en 2021, 12,5 % des personnes de 18 à 85 ans avaient connu un épisode dépressif caractérisé au cours de l’année précédente. Malgré les progrès dans le traitement médicamenteux, les antidépresseurs ont un délai d’action de plusieurs semaines et environ un tiers des patients n’y répondent pas suffisamment. D’où l’intérêt de diversifier l’arsenal thérapeutique.

Face à la dépression résistante, l’une des pistes est la stimulation cérébrale des régions cérébrales profondes, telle que la région cingulaire subcalleuse. Mais elle suppose l’implantation d’électrodes intracérébrales, c’est-à-dire une procédure invasive associée à un risque neurochirurgical important, ce qui limite son accessibilité.

Traitement de cinq jours consécutifs

La technologie développée par les chercheurs et médecins du GHU Paris, de l’Inserm, du CNRS, de l’Université Paris Cité et de l’ESPCI Paris-PSL permet de moduler l’activité des régions cérébrales profondes impliquées dans la dépression, mais cette fois-ci de façon non invasive. Ceci, grâce aux ultrasons, qui ont la propriété de se propager dans les tissus humains et de stimuler à distance la zone cérébrale sur laquelle ils sont concentrés, par action mécanique, en déclenchant l’ouverture de canaux mécano-sensibles. Mais il fallait d’abord lever un obstacle : éviter la déviation des ultrasons (et donc la perte de leur précision), causée par les irrégularités de l’épaisseur du crâne.

Le dispositif portable décrit dans Brain repose sur l’utilisation de lentilles acoustiques (metalens en anglais) qui concentrent les ultrasons avec une précision inédite : ces lentilles, développées par l’Institut physique pour la médecine*, parviennent à compenser les distorsions des ondes induites par la traversée de la boîte crânienne. Ceci, grâce à un travail de modélisation de l’effet du crâne sur les ultrasons, afin de déduire la forme optimale de ces lentilles acoustiques, fabriquées de façon unique et personnalisée pour chaque patient.

Réduction moyenne de plus de 60 % de la sévérité de la dépression

L’essai clinique consistait en cinq jours consécutifs de traitements par ultrasons de cette zone cérébrale (à raison de 5 minutes d’ultrasons pulsés, cinq fois par jour). Ce protocole a été réalisé sur cinq patients souffrant de dépression sévère et résistante aux médicaments, âgés de 23 à 75 ans, pris en charge à l’hôpital Sainte-Anne, dans le but de tester la sécurité de cette nouvelle approche. Les auteurs observent l’absence d’évènement indésirable grave et une excellente tolérance : les patients rapportaient ne ressentir aucune gêne ni douleurs durant les séances. Les scores de sévérité de la dépression (sur l’échelle MADRS) ont progressivement diminué au fil des jours, avec une réduction moyenne de 60,9 % de la sévérité de la dépression au cinquième jour du protocole. Au cinquième jour, quatre des cinq patients étaient considérés comme répondeurs (≥50 % de baisse sur l’échelle MADRS), dont deux témoignaient d’une rémission (MADRS ≤ 10).

« La stimulation transcrânienne ultrasonore de précision ainsi obtenue représente une avancée technologique de premier plan ; elle permet pour la première fois de stimuler de façon ciblée, précise et non-invasive les structures cérébrales profondes, telles que la région cingulaire subcalleuse, avec un dispositif transportable », salue un communiqué de l’Inserm. Les auteurs soulignent en outre la rapidité de l’effet, incomparable avec le délai d’action des antidépresseurs ou même de l'électroconvulsivothérapie ou de l’eskétamine (3 semaines).

« Bien que les résultats soient encourageants, il faut les interpréter avec prudence, car il s’agit d’une première étude de sécurité sur un nombre limité de patients et sans groupe placebo », nuancent-ils néanmoins.

Les chercheurs de l’Institut physique pour la médecine ont breveté la technologie et co-fondé la startup SonoMind dans le but de d’accélérer le transfert clinique de cette technologie. Des études sont prévues sur des cohortes plus importantes de patients, avec l’espoir, si les résultats se confirment, de développer l’application de la stimulation transcrânienne par ultrasons en psychiatrie, addictologie et neurologie.

*(Inserm, ESPCI Paris – PSL, CNRS) par les chercheurs et ingénieurs Jean-François Aubry (CNRS), Thomas Tiennot (ESPCI) et Mickael Tanter (Inserm), co-auteurs de l’étude


Source : lequotidiendumedecin.fr