« Favoriser un repérage systématique des personnes présentant une consommation d’alcool à risque et proposer systématiquement une intervention brève à ces personnes ». Telle est l'une des principales recommandations formulées par un groupe d’experts de l’Inserm dans un rapport consacré à la réduction des dommages associés à la consommation d’alcool, paru en fin de semaine dernière.
Dans le cadre d’une procédure d’expertise collective commandée par la Midelca et le ministère de la Santé, ce groupe de chercheur a conduit pendant 3 ans une analyse exhaustive de la littérature scientifique portant sur la consommation d’alcool disponible jusqu’au premier semestre 2020 – soit près de 3 600 documents. Et ce dans l’objectif de dresser un état des lieux des dommages liés à l’alcool et de « formuler des pistes de recherche et d’actions pour les réduire », affirme l’Inserm.
L'alcool, première cause d'hospitalisation
Résultat : les patients qui présentent une consommation d’alcool à risque restent « insuffisamment identifiés par le système de santé et donc très peu pris en charge », regrettent les auteurs, alors que le fardeau attribuable à l’alcool demeure lourd en France.
Selon le rapport, la consommation quotidienne moyenne d’alcool des adultes reste en France, supérieure aux repères de consommation à risque. Alors que ceux-ci ont récemment été abaissés à 2 verres/jour et pas tous les jours, la consommation moyenne des Français atteint 27 grammes par jour, soit environ 3 verres quotidiens. Plus inquiétant : 8 % des jeunes de 17 ans consomment régulièrement de l’alcool (10 fois ou plus par mois) – et près de la moitié des adolescents de cet âge déclarent au moins une alcoolisation ponctuelle importante (plus de 5 verres) par mois.
Des consommations élevées qui engendrent une morbi-mortalité importante. « L’alcool, c’est la deuxième cause de mortalité évitable après le tabac », souligne ainsi Guillaume Airagnes, psychiatre addictologue à l’AP-HP et co-auteur de ce rapport. « À partir de l’analyse des données de santé à l’hôpital, on sait désormais que l’alcool représente la première cause d’hospitalisations » et peut favoriser le développement d’une soixantaine de pathologies, dont des cancers, insiste aussi Michaël Naassila, Professeur de physiologie à Amiens également signataire de l’expertise.
Pourtant, le dépistage des consommations à risque demeure très insuffisant en France. « Si les outils de dépistage sont valides, le dépistage en lui-même est très peu pratiqué en routine », déplorent les auteurs. Et ce, alors même que le repérage plus systématique des consommations à risque aurait montré des résultats encourageants. « La preuve de l’efficacité de l’implémentation du dépistage et de l’intervention brève est bien établie lorsqu’elle est pratiquée dans la communauté (par exemple les écoles), en médecine générale et aux urgences », plaident les auteurs.
Le cabinet de médecine générale, un lieu particulièrement adapté au dépistage
Dans ce contexte, les experts recommandent de repérer plus systématiquement les personnes présentant une consommation d’alcool à risque (dans la population générale et plus encore chez les femmes enceintes), et de proposer plus systématiquement aux individus concernés des interventions brèves.
En pratique, ce repérage devrait se faire, d’après le Dr Guillaume Airagnes, « partout et en particulier sur les lieux où on sait qu’il y a une forte concentration de personnes qui pourraient être à risque de consommations excessives ». L’addictologue cite notamment les services d’urgence, les services de médecine universitaire, scolaire, militaire ou du travail, mais aussi les cabinets de médecine générale. Pour les auteurs du rapport, le dépistage des consommations à risque peut y commencer dès la salle d’attente par la distribution de questionnaires éventuellement numériques. « Le dépistage […] utilisant une tablette […] dans les salles d’attente médicales [constitue] une opportunité de toucher une population […] importante et une alternative moins onéreuse qu’un entretien en face-à-face », avancent-ils, ajoutant que ce modèle permettrait notamment de réduire des contraintes de temps.
Concernant les interventions brèves, celles-ci pourraient être de natures diverses et proposées selon des modalités différentes en fonction des résultats obtenus aux tests de dépistage. De fait, les auteurs proposent une démarche « intégrative, par étapes » qui consisterait à privilégier les interventions brèves électroniques dans la population générale, mais aussi à proposer des interventions en face-à-face au cabinet pour les individus à risque, voire à « initier une discussion et orienter vers des services spécialisés en addictologie » les personnes identifiées comme présentant des dépendances.
Pour ce faire, les auteurs notent un besoin de formation des professionnels au dépistage et aux interventions brèves, mais aussi un besoin de financement. « La charge de travail induite par la mise en place du RPIB (repérage précoce – intervention brève) devrait être valorisée. Le groupe d’experts souhaite que les pouvoirs publics mettent en place une reconnaissance financière de cet acte technique (tarification d’un acte de « prévention ») », plaident-ils.
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