C’est sur un évènement douloureux et tabou que se penche la dernière étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined) : les enfants sans vie, c’est-à-dire mort-né ou né vivant mais non viable, une situation rare, mais de mieux en mieux reconnue (ne serait-ce qu’à travers les changements de définitions juridiques) et qui ne signe pas la fin de la vie féconde.
Le nombre d’enfants sans vie se stabiliserait depuis les années 2010 autour de 19 pour 1 000 femmes, selon ce travail de l’Ined. Depuis 2008, un certificat médical d’accouchement dédié suffit pour inscrire l’enfant sans vie à l’état civil français. Ces certificats sont délivrés en cas d’accouchement spontané ou provoqué par interruption médicale de grossesse (IMG) ou en cas de fausse couche tardive (survenant entre 15 et 22 semaines d’aménorrhée – SA) s’il y a recueil d’un corps formé – y compris congénitalement malformé – et sexué. « Une fausse couche tardive peut donc être déclarée à la discrétion des parents en tant qu’enfant sans vie », lit-on.
Selon une circulaire de 2009, il est possible de donner un prénom à l’enfant sans vie et de l’inscrire dans le livret de famille, et depuis une loi de 2021, de transmettre un ou plusieurs noms de famille. En revanche, il n’y a pas de lien de filiation et la femme ayant accouché ne peut être considérée comme « mère », car le droit français conditionne l’attribution de la personnalité juridique au fait d’être né vivant et viable. Ce processus de personnalisation de l’enfant sans vie par les parents mais aussi les professionnels de santé s’explique notamment par les avancées médicales, qui autorisent à considérer les enfants viables de plus en plus tôt pendant la grossesse, avancent les auteurs.
8 000 enfants sans vie en moyenne chaque année
De 2008 à 2019, environ 8 000 enfants sans vie ont été recensés à l’état civil en moyenne chaque année en France hexagonale. Soit 19 enfants sans vie pour 1 000 femmes de 15 à 50 ans, ou encore 10 enfants sans vie pour 1 000 vivants.
L’évolution du nombre d’enfants sans vie par femme au fil du temps est en partie liée aux changements de définition, dont les critères se sont élargis au fil des ans, soulignent les auteurs, en distinguant quatre périodes. La première (1975-1992) se caractérise par une baisse de 27 à 9 enfants sans vie pour 1 000 femmes, sous l’effet conjoint d’une amélioration de la santé périnatale et d’une baisse de fécondité aux jeunes âges (où le risque d’avoir un enfant sans vie est légèrement plus élevé). La deuxième période (1993-2001) est marquée par une stagnation autour de cette faible intensité (9 pour 1 000), sous l’influence de plusieurs facteurs : nouvelle définition de l’enfant sans vie, ralentissement des progrès en matière de santé néonatale et hausse de la fécondité. La troisième période (2002-2008) correspond à une augmentation forte du nombre d’enfants sans vie pour mille femmes (+ 6/7 pour 1 000) induite par la définition recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus extensive par rapport à la définition en vigueur en France à cette époque-là. La période est en outre marquée par une hausse de la fécondité et une augmentation du nombre de grossesses tardives (au risque plus élevé d’enfant sans vie). Enfin, après un pic en 2009, la période plus récente se caractérise par une stabilisation autour, donc, de 19 enfants sans vie pour 1 000 femmes.
Grossesses précoces ou tardives à risque
La proportion d’enfants sans vie est plus fréquente au début et à la fin de la vie féconde, mettent en évidence les auteurs, une constante depuis 1975.
Avant l’âge de 18 ans, entre 1 % et 2 % des enfants déclarés à l’état civil sont sans vie (sauf entre 1993 et 2001 où la proportion tombe sous les 1 %). Entre 25 et 30 ans, le phénomène concerne moins de 1 % des naissances, avant de remonter à partir de 30 ans, puis 35 ans, pour atteindre vers 45 ans les valeurs maximales : de 1,5 % et 4,5 % selon la période.
Autre enseignement de l’étude : l’arrivée d’un enfant sans vie n’est pas la fin de la vie féconde. Plus d’une femme sur 10 connaît une nouvelle naissance dans le deuxième semestre suivant le drame ; elles sont 40 % à accoucher d’un bébé en vie après deux ans et plus de moitié après quatre ans. Finalement, un peu moins de la moitié des femmes ayant connu un enfant sans vie n’ont pas de naissance dans les six années suivantes, qu’elles n’aient pas cherché une nouvelle grossesse, ou qu’elles aient été confrontées à des difficultés à concevoir.
Dans quel sens le phénomène évoluera-t-il sur le long terme ? Les auteurs ne tranchent pas. Si le report des naissances à des âges plus avancés, ou le recours grandissant de l’assistance médicale à la procréation peuvent plaider en faveur d’une augmentation du phénomène, à l’inverse, les progrès de la médecine pourraient diminuer les risques physiologiques d’accoucher d’un enfant sans vie.
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