C'est l'une des mesures phares du plan Macron Ma Santé 2022 : le développement accéléré de collectifs de soins de proximité – les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) – fédérant les acteurs libéraux autour d'une population donnée (entre 20 000 et 100 000 habitants).
Créés par la loi Touraine de 2016, ces groupements sont au cœur de la réorganisation territoriale à l'échelle des basins de vie. Le gouvernement espère « au moins »un millier de CPTS en 2022 – contre à peine 200 en 2018. À cet effet, la CNAM a programmé cinq séances de négociation pour conclure, avant avril, un accord conventionnel interprofessionnel (dit ACI). Objectif : offrir enfin un cadre pérenne de financement aux CPTS, ce que n'avait pas fait la loi Touraine, laissant ces communautés végéter.
Conformément au cadrage politique d'Agnès Buzyn et aux contributions du conseil de l’UNCAM (où siègent les partenaires sociaux), les partenaires conventionnels devront ainsi déterminer un « socle commun » de missions des CPTS mais surtout la façon dont ces structures seront soutenues financièrement (projet, équipement, fonctionnement). Des moyens spécifiques seront octroyés « en contrepartie de l'atteinte des objectifs définis pour chaque mission », lit-on dans le cadrage de la ministre de la Santé.
Bonus, malus ?
Pour Agnès Buzyn, l'accès aux soins premiers constituera la « mission incontournable » de ces communautés territoriales, en particulier la garantie d'accès à un médecin traitant et la prise en charge des soins non programmés en ville dans le cadre de l'émergence d'une responsabilité populationnelle collective. Mais d'autres missions essentielles pourront être confiées à ces pools de libéraux de santé comme la prévention, l'accès aux soins de second recours, la sécurisation des transitions ville-hôpital ou encore le maintien à domicile des personnes âgées.
En visite la semaine dernière dans une CPTS parisienne (photo), la ministre de la Santé a confirmé la rédaction d'un « cahier des charges » tout en s'employant à rassurer sur la souplesse de ces regroupements. Car se joue aussi la définition et la valorisation de l'« exercice coordonné » que le gouvernement veut généraliser et qui implique a minima la participation à une CPTS, a rappelé Agnès Buzyn.
Jusqu'où iront les incitations financières à l'exercice coordonné ? Les médecins isolés seront-ils pénalisés ? Officiellement, il n'est pas question de « sanctions » mais d'une « modulation » de certaines rémunérations ou aides (forfaitaires) pour que les médecins soient incités à s'engager dans ces organisations pluriprofessionnelles et dans un exercice coordonné. Mais Agnès Buzyn l'a reconnu : « L'incitation financière peut être telle qu'elle peut être quelque part sanctionnante en termes de rémunération pour les médecins qui exercent de façon isolée. Petit à petit, ceux-là vont se sentir un peu pénalisés par rapport aux autres qui ont des aides ».
Les syndicats en alerte
Avec ces prérequis et contraintes politiques, les syndicats de médecins libéraux ont perçu que la partie ne s'annonçait pas si « facile ». « L'organisation territoriale à la sauce techno est un danger pour l'organisation sanitaire car les médecins n'y participeront pas », prévient le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF.
Les CPTS qui vont mailler le territoire doivent être un « outil souple », « protéiforme » et non un « carcan administratif avec les protocolisations à tous les étages », enchérit le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. « Cela coincera si le cahier des charges est trop contraignant, souligne aussi le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Il ne faut pas créer des réticences mais leur donner envie, leur expliquer que cela va améliorer leurs conditions de travail ».
Le Syndicat des médecins libéraux (SML) tout comme la Fédération nationale des infirmiers (FNI) refuse qu’une négociation puisse se mener sous la menace et le chantage à la contrainte. « L'État veut mettre le paquet sur un seul modèle, les CPTS. Or, il existe d'autres organisations, qui ne sont pas des CPTS qui assurent aussi la continuité des soins », martèle le Dr Philippe Vermesch, président du SML.
Quant au financement, il devra être à la hauteur des outils (notamment numériques) indispensables au fonctionnement des CPTS et des missions exigées, dont les soins non programmés. « Sans moyens supplémentaires, il est impossible de financer des activités nouvelles », résume MG France.
Interrogée en novembre 2018 par « Le Quotidien », Cécile Courrèges, directrice générale de l'offre de soins (DGOS) avait estimé « qu'une CPTS installée serait aujourd'hui financée entre 50 000 et 150 000 euros, selon sa taille et ses missions ».
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