L'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) n'a pas identifié de point critique de préoccupation lié au glyphosate qui justifierait selon elle de l'interdire dans l'Union européenne au-delà de sa période actuelle d'autorisation, indique-t-elle dans un rapport très attendu (initialement, prévu mi-2022). Remis ce 6 juillet à la Commission européenne, il doit servir de base pour décider la prolongation, pour cinq ans, de l'autorisation délivrée sur le marché européen au plus célèbre des désherbants, qui court jusqu'au 15 décembre.
L'Efsa « n'a pas identifié de domaine de préoccupation critique » du glyphosate chez les humains, les animaux et l'environnement, explique-t-elle dans un communiqué. Une préoccupation est dite critique lorsqu'elle affecte tous les usages proposés de la substance évaluée (utilisation avant semis, après récolte, etc.), empêchant son autorisation.
« L'évaluation des risques du glyphosate est le fruit du travail de dizaines de scientifiques (90) de l'Efsa et des États membres dans le cadre d'un processus qui s'est étalé sur plus de trois ans », a déclaré Guilhem de Seze, chef du département de l'Efsa chargé de l'évaluation des risques. Ce travail repose sur l'analyse de 2 400 études et articles scientifiques et devrait être publié avant la fin du mois de juillet, pour ses conclusions, et entre août et octobre, pour les documents de référence (des milliers de pages).
Manque de données
L'Efsa relève néanmoins « un risque élevé à long terme chez les mammifères » pour la moitié (12 sur 23) des usages proposés du glyphosate et reconnaît que le manque de données empêche toute analyse définitive.
Ainsi, l'Efsa ne peut conclure sur les risques pour les plantes aquatiques, « faute de données sur leur exposition au glyphosate », pas plus que sur les risques liés à la consommation alimentaire, « en raison de données incomplètes sur la quantité de résidus de glyphosate dans les cultures en rotation telles que les carottes, la laitue et le blé ». Pour les humains, « cela ne devrait pas conduire à un dépassement des niveaux de sécurité toxicologique et, par conséquent, aucune préoccupation critique n'a été identifiée », insiste l'agence.
L'Efsa relève aussi l'insuffisance de données sur la toxicité d'un des composants présents dans la formule d'un pesticide à base de glyphosate soumis à l'évaluation, tout en soulignant qu'il n'existe « aucune indication de toxicité aiguë ou de génotoxicité ».
Enfin, reste en suspens la question de l’impact général sur la biodiversité : si les experts reconnaissent que les risques « sont complexes et dépendent de multiples facteurs », l'Efsa estime que « dans l'ensemble, les informations disponibles ne permettent pas de tirer des conclusions définitives ». Ils plaident notamment pour harmoniser les méthodologies et envisager des mesures d'atténuation des risques.
Indignation des associations
« Nous exigeons aujourd'hui que la France défende l'interdiction du glyphosate en Europe en 2023 », ainsi une trentaine d'ONG - dont Agir pour l’environnement, Générations futures ou Réseau Action Climat - interpellent-elles le gouvernement français ce 6 juillet.
« Compte tenu des risques largement documentés pour l'environnement et la santé humaine, il est plus qu'urgent d'appliquer le principe de précaution inscrit dans les textes européens et la Constitution française pour en finir avec le glyphosate et amorcer enfin une vraie transition agricole et alimentaire », poursuivent-elles. Pour rappel, Emmanuel Macron s'était engagé en 2017 à sortir du glyphosate au plus tard en 2021, avant de se raviser.
À l'échelle européenne, l'ONG Corporate Europe Observatory (CEO) s'indigne : « Comment l'Efsa a-t-elle pu donner son feu vert au glyphosate en se basant principalement sur des études scientifiques de mauvaise qualité, menées par des entreprises ? ». Et Greenpeace appelle « la Commission européenne et les États membres à s'opposer à un renouvellement de l'autorisation » de l'herbicide.
Le glyphosate avait été classé en 2015 comme un « cancérogène probable » pour les humains par le Centre international de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé. Un groupe d'experts de l'Institut national de santé et de la recherche médicale (Inserm) en France a de son côté conclu en 2021 à « l'existence d'un risque accru de lymphomes non hodgkiniens avec une présomption moyenne de lien » avec le glyphosate. À l’inverse, l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a jugé en juin l'an dernier que les preuves scientifiques disponibles ne permettaient pas de classer le glyphosate comme cancérogène ; l'herbicide était classé comme pouvant provoquer des lésions aux yeux et étant toxique pour les milieux aquatiques.
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