L’opposition à la proposition de loi (PPL) visant à lever les contraintes au métier d’agriculteur s’amplifie. Après le directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), Benoît Vallet, qui a expliqué, lors de son audition à l’Assemblée le 25 mars, que l’adoption de la loi entraînerait sa démission, ce sont plus de 1 200 médecins et chercheurs qui s’alarment des « risques majeurs » du texte porté par le sénateur LR Laurent Duplomb. Adoptée en première lecture au Sénat le 27 janvier, la PPL est examinée dans le cadre de la commission du développement durable à partir de ce 6 mai, avant d’être soumise aux députés en séance publique à la fin du mois.
Dans une lettre ouverte adressée aux ministres de tutelle de l’Anses (Agriculture, Santé, Transition écologique, Travail), les signataires s’opposent à la création d’un Conseil d’orientation agricole. L’article 2 de la PPL prévoit que ce Conseil, composé d’industriels et de syndicats agricoles, fournisse au ministère de l’Agriculture une liste « des usages [de produits phytosanitaires] qu’il considère prioritaires », c’est-à-dire sans alternatives suffisantes. Cet avis s’imposerait à l’agence, qui est chargée depuis 2015 d’évaluer les pesticides et de délivrer les autorisations de mise sur le marché, ce qui « dessaisirait l’Anses d'une partie du contrôle scientifique et de la responsabilité assortie », écrivent les signataires.
Un « recul pour la santé publique »
Cet « affaiblissement » du rôle de l'Anses serait « un recul pour la santé publique » en faisant « passer les impératifs économiques avant la préservation de la santé et l’environnement », dénonce auprès du Quotidien le Dr Pierre-Michel Périnaud, médecin généraliste, président d'Alerte des médecins sur les pesticides, l’association qui porte cette lettre aux côtés de Médecins du monde (MDM).
« Nous assistons à une mise à l’écart de la science : alors que les expertises collectives de l’Inserm en 2021 et de l’Inrae en 2022 font état d’une situation alarmante avec une contamination de tous les milieux par les pesticides et une explosion des pathologies associées aux expositions chez les professionnels et les riverains, la loi crée les conditions pour que les données scientifiques et les expertises indépendantes soient mises de côté », analyse le Dr Jean-François Corty, président de MDM.
Alors que les manifestations d’agriculteurs dans toute l’Europe l’an dernier ont stoppé les travaux de la Commission européenne en faveur d’un renforcement de la réglementation actuelle, avec par exemple l’introduction d’une évaluation par familles de substances plutôt que substance par substance, « ce n’est pas le moment de couper les ailes des agences, juge-t-il. Au contraire, il faut leur donner les moyens d’agir, de mener leurs missions et garantir leur autonomie de réflexion ».
À rebours de la PPL, les signataires appellent à une amélioration des processus d’évaluation actuels, répartis entre l’échelon européen pour les substances et le national pour les produits (mélange de substances) mis sur le marché. Pour l’heure, seules les données fournies par les industriels et les résultats des tests réglementaires sont pris en compte. « Il est nécessaire de s’appuyer aussi sur les données de la littérature scientifique », plaide le Dr Périnaud.
Les signataires appellent aussi à « systématiser » les études sur les effets cocktails et la toxicité chronique des pesticides et à mettre en place un « suivi à la parcelle et en temps réel » des épandages et de leurs impacts sanitaires. Ils s’alarment également de la réautorisation envisagée par la PPL de trois néonicotinoïdes interdits en France depuis 2016 en raison de leur effet extrêmement nocif pour les pollinisateurs.
Le Dr Corty appelle à une prise de position du ministère de la Santé dans un débat où, pour le moment, seule l’Agriculture s’exprime. « On n’entend pas le ministère sur les politiques préventives pour les travailleurs agricoles, dont les plus précaires n’ont aujourd’hui aucun suivi sanitaire, ni sur les pathologies détectées localement », déplore-t-il.
Article mis à jour le 6 mai avec l’ajout de citations du Dr Jean-François Corty.
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