Auparavant restreints au VIH et aux hépatites B et C, les associations et établissements médico-sociaux sont autorisés à effectuer des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) pour la syphilis, à la faveur d’un arrêté publié au Journal officiel du 22 mai 2024. Cela fait suite à une campagne menée par l’association AIDES en février 2022 dans un contexte de recrudescence des IST, visant à valider la faisabilité des Trod couplés VIH/Syphilis. « C’est cette expérimentation qui a amené la collaboration entre l’association et le ministère et qui a donc activement participé à la publication de cet arrêté », explique au Quotidien David Michels, directeur Innovations et programmes de Aides. Les conclusions apportées par l’expérimentation quant à l’adhésion des publics et des acteurs communautaires, les partenariats et accompagnements dans le parcours de soins et la pertinence de l’usage du test (3,7 % de positivité à l’issue de la campagne) ont fondé les bases de cette réglementation.
Les acteurs concernés par l’arrêté sont nombreux. On y retrouve les établissements médico-sociaux et les structures associatives impliqués dans la prévention sanitaire ou la réduction des risques associés à la consommation de substances psychoactives, les centres de santé sexuelle ainsi que les établissements d’information, de consultation ou de conseil familial. Il peut s’agir de lieux fixes ou mobiles, permettant d’aller à la rencontre des publics concernés, tant que les règles d’hygiène et de confidentialité des patients sont respectées. « Nous sommes de fervents défenseurs du dépistage communautaire et la santé publique a tout intérêt à ce que les acteurs communautaires puissent bénéficier rapidement des nouveaux Trod », commente David Michels.
Une amélioration de l’accès aux soins pour les populations à risque
Les personnes particulièrement exposées au risque d’infection pourront accéder aisément à une information rapide sur leur statut sérologique et bénéficier d’actions de prévention associées. Les établissements devront aviser les patients des spécificités des tests et de leur sensibilité et les rediriger vers des structures médicales adaptées pour une prise en charge thérapeutique. Cette nouvelle règlementation sur les Trod ne vient pas suppléer l’offre actuelle mais bien la complémenter en facilitant l’accès aux populations éloignées des parcours de soins conventionnels ou confrontées à des difficultés d’accès aux structures de soin et prévention.
Nous sommes de fervents défenseurs du dépistage communautaire et la santé publique a tout intérêt à ce que les acteurs communautaires puissent bénéficier rapidement des nouveaux Trod
David Michels, directeur Innovations et programmes de AIDES
L’association Aides a déjà décidé de déployer les nouveaux Trod VIH/Syphilis multiplex dans toutes leurs actions de dépistage. Pour David Michels, la prochaine étape est l’élargissement du dépistage aux infections à chlamydia et à gonocoques. En effet, l’ouverture du dépistage à l’ensemble des IST est un levier important qui s’inscrit dans une stratégie de lutte globale contre le VIH et pour un meilleur suivi de santé sexuelle des patients. Notamment, cela permet de sensibiliser des patients à l’usage du préservatif ou encore de la PrEP pour celles et ceux qui n’y sont pas familiers. Néanmoins, la mise en place d’actions de dépistage et de prévention combinées n’est pas toujours aisée. David Michels souligne les difficultés en France pour légiférer sur les tests rapides, avec l’exemple du Trod VHC qui n’a été accessible aux acteurs communautaires que cinq ans après sa commercialisation. « Nous nous inscrivons dans un plaidoyer plus large pour que les procédures de validation de l’accès aux Trod pour les non-soignants soient simplifiées en France .»
Une incidence de la syphilis à la hausse en France
Sur le territoire français, bien que le taux de dépistage ait été impacté par le Covid, la syphilis a continué à progresser pour atteindre en 2022 un niveau supérieur de 11 % à celui de l’année 2019 au sein des dépistages CeGIDD d’après les derniers chiffres de Santé publique France. Pour le secteur privé, l’augmentation monte jusqu’à 27 % pour les personnes de plus de 15 ans. De plus, le taux d’incidence des IST bactériennes est souvent sous-estimé, rendant d’autant plus cruciaux les enjeux autour de leur dépistage et leur prévention. L’agence gouvernementale avait notamment mené une étude épidémiologique en Guyane après le signalement d’une hausse des cas de syphilis congénitales entre 2021 et 2022. L’une des conclusions du rapport citait d’ailleurs la réglementation autour du Trod mixte VIH/syphilis comme frein majeur des actions de dépistage précoce. C’est donc depuis aujourd’hui un problème levé qui viendra certainement améliorer la prise en charge des patients en Guyane comme ailleurs en France.
L’OMS sonne l’alarme : les IST sont en augmentation drastique en 2022
Il n’y a pas qu’en France où l’on observe une hausse des IST. Dans un nouveau rapport de l’OMS, l’agence observe une augmentation conséquente des IST dans le monde. Pour la syphilis, 1 million de cas supplémentaires chez l’adulte de 15 à 49 ans porte l’incidence à huit millions de personnes en 2022. On décompte cette même année 230 000 décès dus à la bactérie.
L’agence salue les efforts investis à l’international dans les traitements et le dépistage, mais alerte tout de même sur les chiffres inquiétants. « Ce rapport célèbre des progrès significatifs dans plusieurs domaines mais décrit aussi des lacunes dans nos réponses sanitaires et des tendances problématiques, dont une incidence croissante de la syphilis, ce qui soulève une forte inquiétude », déclare le Dr Tedros Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, en introduction du rapport. Et de rappeler l’importance que les agences sanitaires et les gouvernements s’emparent du problème pour atteindre les objectifs de réduction d’infections annuelles par la syphilis chez l’adulte à 0,71 million d’ici 2030.
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