Faut-il vacciner, en France, les jeunes enfants contre le Covid-19 ? Tandis que la cinquième vague épidémique monte dans l’Hexagone, la question se pose. Et ce, d’autant plus qu’il y a quelques semaines, les États-Unis ont autorisé l’utilisation du vaccin de Pfizer (Comirnaty) chez les 5-11 ans, tandis que l’Agence européenne du médicament (EMA) a commencé à évaluer celui de Moderna (Spikevax) dans cette tranche d’âge.
Pour plusieurs sociétés savantes de Pédiatrie ainsi que pour la Société de Pathologie infectieuse de Langue Française (Spilf), la réponse est claire : « la vaccination contre le Covid des enfants âgés de moins de 12 ans n’est pas urgente en France à ce jour ». Et pour cause : aux yeux des pédiatres et des infectiologues, dans le pays, la balance bénéfice-risque de la vaccination des enfants n’apparaît pas si claire pour le moment, expliquent-ils dans un communiqué commun diffusé en début de semaine.
Encore trop peu de recul sur la sécurité
Certes, les nouvelles études vaccinales évaluées par les autorités sanitaires apparaissent encourageantes sur les performances des vaccins. Comme le rappellent les sociétés savantes, lors des analyses préliminaires de ses essais de phase 2-3, le vaccin Pfizer a montré une efficacité sur les formes symptomatiques supérieure à 90 % chez environ 2 000 enfants de 5 à 11 ans. De même, d’après de récentes annonces de Moderna, Spikevax aurait également atteint des niveaux d’efficacité semblables au cours d’un essai conduit auprès de près de 5 000 enfants. Le tout pour un profil de sécurité globalement favorable.
Cependant, des effets secondaires peu fréquents et graves pourraient émerger dans le futur. Bien que seuls des effets indésirables bénins comparables à ceux observés chez l’adulte ont pour le moment été recensés avec ces deux vaccins à ARNm, les sociétés savantes soulignent en effet que les études vaccinales disponibles à l’heure actuelle ont été menées sur des effectifs trop faibles pour identifier d’éventuels effets indésirables rares. « Il faut attendre pour cela les données de pharmacovigilance, disponibles après l’administration de plusieurs millions de doses. »
Une position partagée par le Pr Jean-François Delfraissy. Dans une interview accordée ce matin à France Inter, le Président du Conseil scientifique estimait en effet préférable d’« attendre quelques semaines, [pour] voir ce qu’il se passe aux États-Unis, [et] voir s’il y a de quelconques effets secondaires » avant d’envisager de vacciner les 5-11 ans. Ainsi aucune décision ne devrait être prise à ce sujet avant le début de l’année 2022.
Trop peu de bénéfices individuels directs
Mais au-delà de ces paramètres, c’est surtout l'intérêt de la mesure qui semble en question.
En effet, pour les pédiatres et les infectiologues, la vaccination des 5-11 ans présenterait, pour les enfants de cette tranche d’âge, un bénéfice individuel direct sur la prévention des formes graves et des décès « très modeste ».
D’une façon générale, « l’infection par le SARS-Cov-2 chez l’enfant apparaît comme le plus souvent bénigne, même avec le variant Delta », insistent en effet les pédiatres. « Quant au Covid long, bien que des incertitudes persistent, les premières données pédiatriques internationales sont rassurantes en particulier dans cette tranche d’âge. »
De plus, en France, les formes pédiatriques graves apparaissent d’autant plus rares que le virus circule peu chez les enfants. De fait, en comparaison aux enfants américains, les jeunes Français ont été 2.5 fois moins exposés au SARS-CoV-2, et 30 fois moins concernés par des formes mortelles. Même par rapport aux adolescents de l’Hexagone, les 5-11 ans semblent relativement épargnés. Selon un travail publié par Santé Publique France en fin de semaine dernière, l'épidémie apparaît deux fois moins intense et grave dans cette classe d'âge que chez les 12-17 ans.
Les bénéfices individuels indirects et collectifs également réduits
De même, les bénéfices individuels indirects de la mesure apparaissent limités. Ou en tout cas « moins importants » que pour les adolescents (très confrontés à des problématiques d’ordre psychiatriques) ou que pour les écoliers américains (qui ont connu 47 semaines de fermeture de classes, contre 10 en France). En fait, le principal bénéfice indirect de la vaccination des plus jeunes concernerait un éventuel abandon du masque à l'école.
Enfin, même les bénéfices collectifs de la vaccination des 5-11 ans apparaissent « incertains ». « Le bénéfice collectif à attendre de la vaccination des jeunes enfants est moins marqué que pour les jeunes adolescents, car il a été montré qu’ils [étaient] moins souvent à l’origine de cas secondaires que leurs aînés », soulignent les pédiatres. Sans compter que la vaccination apparaît peu optimale pour la prévention des contaminations. En outre, et c’est un argument également martelé par l’Académie nationale de Médecine dans un communiqué, « la vaccination des enfants, […] ne doit pas servir, pour atteindre l’immunité collective, à compenser le refus de vaccination de certains adultes ».
Au total, si la vaccination globale des 5-11 ans apparaît encore prématurée, quelques enfants porteurs de comorbidités (et donc particulièrement à risque de formes graves) peuvent, eux, d’ores et déjà être vaccinés. Dans une stratégie de cocooning, l’Académie de Médecine propose également d’envisager la vaccination des jeunes enfants proches d’adultes vulnérables, voire de « l’environnement familial et scolaire » d’autres enfants particulièrement fragiles.
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