L'application de traçage de contacts StopCovid – qui devrait être évoquée ce mardi dans le cadre du débat sur le plan gouvernemental de déconfinement, mais sans faire l'objet d'un vote spécifique – continuait lundi de diviser experts et médecins en raison de risques pour la vie privée mais aussi de doutes sur sa faisabilité technique.
Outil séduisant sur le papier, StopCovid a pour objectif d'alerter les utilisateurs volontaires ayant téléchargé cette appli quand ils ont croisé une personne contaminée par le virus (elle-même équipée), grâce à la technologie Bluetooth. Les contacts des deux dernières semaines pourraient ainsi être informés.
L'Institut national de recherche pour les sciences et technologies du numérique (INRIA) assure le leadership du projet. Son PDG, Bruno Sportisse, assure dans une note que StopCovid n'utilisera pas la géolocalisation ni les données de bornage GSM et que l'appli n'a aucun objectif de surveillance de la population. « Sa conception permet que personne, pas même l’État, n’ait accès à la liste des personnes diagnostiquées positives ou à la liste des interactions sociales entre les personnes », souligne-t-il.
Gare au « solutionnisme technologique »
Pas de quoi lever les craintes quant à l'utilisation des données.
La CNIL a estimé dimanche, dans un avis très attendu, que le dispositif envisagé par le gouvernement était conforme aux exigences européennes du RGPD sur les données personnelles (collecte, conservation et partage) « si certaines conditions sont respectées ». « Son utilisation doit être temporaire et les données doivent être conservées pendant une durée limitée », réclame la CNIL. Elle précise que son « déploiement doit s'inscrire dans un plan d'ensemble » de déconfinement et met en garde « contre la tentation du "solutionnisme technologique" ». Pas question que la non-utilisation de cette appli ait des conséquences négatives pour les gens (refus de billet de train par exemple). Bien sûr, le volontariat et l'utilisation de pseudonymes doivent être garantis tout au long du processus.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) pose lui aussi des garde-fous et « prérequis ». La géolocalisation doit être proscrite car « liberticide », tout comme la possibilité de croiser des informations. « L’enregistrement des données médicales ne doit pas être alimenté par le médecin et il ne doit pas y avoir de croisement possible des données avec un fichier de santé. L’anonymat doit être garanti pour l’enregistrement des données et la conservation de celles-ci doit être limitée dans le temps sans interconnexion de fichiers », insiste l'Ordre.
En accompagnement…
Côté médecine de ville, MG France affiche son scepticisme, d'abord sur son efficacité. « StopCovid pourrait être peu téléchargé par les Français et donc avoir une utilité nulle », recadre le Dr Jacques Battistoni, président du syndicat de généralistes.
Le Syndicat des médecins libéraux (SML) pose plusieurs questions pratiques. « Qui sera chargé de convaincre le patient de télécharger l’appli et de lui expliquer la démarche ? Est-ce au médecin de le faire et, dans ce cas, dans quel cadre cette action rentre-t-elle ? Comment sera-t-elle rémunérée au médecin ? » L'organisation Jeunes Médecins voit de son côté un intérêt uniquement si l'appli est intégrée à une stratégie de dépistage massif…
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