« De la chevillère en libre-service aux objets connectés, en passant par la cabine de téléconsultation, une gamme de produits ayurvédiques ou encore des marques spécialisées CBD, Monoprix réinvente l’approche de la santé au quotidien », vante l’enseigne de grande distribution, dans un communiqué du 20 avril annonçant l’ouverture de son espace santé.
En moins de 15 minutes
Déjà développé dans deux Monoprix depuis mi-avril, l’espace implanté au cœur du supermarché intègre une cabine de téléconsultation, dotée d’un tensiomètre, thermomètre et otoscope. Une cabine conçue par la société Tessan, qui déploie déjà ses espaces connectés en officine ou dans certaines mairies de villages en proie à la désertification médicale.
Au Monoprix de Malakoff (Hauts-de-Seine), le corner santé est présent dès l’entrée. La cabine affiche clairement « consultez un médecin dans votre Monoprix » et promet une téléconsultation en « moins de 15 minutes ». Un pharmacien est présent en permanence et la cabine – lancée il y a une semaine – a reçu ses premiers patients. Autres services proposés à proximité : la vente de compléments alimentaires ou encore un parcours optique incluant examen de la vue et l'émission d'une ordonnance…
La santé « pas un commerce », recadre l'Ordre
Avisé de l'arrivée de ces téléconsultations en supermarché, le conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) a réagi vivement, soulignant que « la santé n'est pas un commerce », en vertu du code de déontologie. L'institution exhorte le gouvernement à réagir avec fermeté, « pour protéger l’acte médical au service des patients ». L'Ordre rappelle le cadre réglementaire de la télémédecine remboursée (inscription dans le parcours de soins coordonnés, ancrage territorial nécessaire, continuité des soins assurée, etc.), même si la crise sanitaire a assoupli les règles requises depuis l'état d'urgence.
Il reste que la prise en charge de patients « exclusivement en téléconsultation », hors parcours, dans ces espaces commerciaux, porte atteinte aux exigences déontologiques, estime l'Ordre. « Et la promotion qui a été faite de ce dispositif dans les médias pose question quant à la compatibilité de ces cabines avec la convention, puisqu’il semblerait que le tout-venant puisse y accéder sans autre forme de contrôle », nous confie l'Ordre.
« Chaque petite défaite est définitive »
Egalement contacté, le Dr Jérôme Marty, président de l'Union française pour une médecine libre Syndicat (UFML-S), dénonce « une dérive de marchandisandisation du soin car c'est un vrai problème de mettre un médecin dans un local commercial ! D'autant plus quand on vend à côté des produits ayurvédiques, ciblés par la Miviludes ». Selon le généraliste, « il faut être beaucoup plus dur sur l'avenant 6 (qui régit la télémédecine remboursée) », texte qui laisse place à trop d'interprétations. « Chaque petite défaite est définitive », alerte le président de l'UFML qui n'exclut pas des procédures « pour faire de Monoprix un exemple ».
« Dans le cadre de la crise sanitaire, la téléconsultation a été élargie et simplifiée, et un certain nombre d’acteurs s’y sont engouffrés », analyse aussi ce mercredi le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. « Je crains beaucoup ce genre de dérives, souligne le néphrologue. Ce n’est pas notre vision de l’exercice médical, cela ne rentre pas dans la médecine de qualité que nous devons aux Français ».
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes