Ni amer, ni aigri, l'ancien spécialiste du numérique de l'Ordre des médecins, le Dr Jacques Lucas, revient pour « Le Quotidien » sur les raisons qui l'ont conduit à démissionner, il y a dix jours, de l'Agence du numérique en santé (ANS), qu'il a quittée en bonne intelligence.
LE QUOTIDIEN DU MEDECIN : Pourquoi avez-vous présenté votre démission de la présidence de l’Agence du numérique en santé ?
Dr JACQUES LUCAS : J’avais été nommé à la présidence de l’Agence, en 2019, pour que la communication publique puisse dire qu'il y a un professionnel de santé à sa tête. J’avais parfaitement compris que l’ANS avait pour tutelle la Délégation ministérielle au numérique en santé, comme c’est tout à fait normal pour une agence de l’État. Je pensais aussi qu'elle pourrait même être le bras armé de la stratégie décidée par la délégation ministérielle et que son président pouvait contribuer à l’élaboration de la stratégie, même si le choix définitif relevait du ministre lui-même.
Cela ne s'est pas passé ainsi ?
Si, au tout début de mon mandat quand Dominique Pon était à la tête de la Délégation pour construire les bases techniques du numérique en santé. Une stratégie a été définie, traduite par la première feuille de route qui vient de se terminer. Entre-temps, il y a eu la pandémie, pendant laquelle il avait été mis en évidence que le numérique pouvait jouer un rôle important dans le fonctionnement du système de santé. Tout allait bien.
Et puis progressivement, Dominique est parti, Laura Létourneau est partie aussi, et à partir de ce moment, le président de l’Agence ne servait plus à grand-chose, sauf à présider factuellement l’assemblée générale et le conseil d’administration, qui sont des organes d’enregistrement puisque l’État détient la majorité des voix. J’ai donc fait observer que cette situation ne correspondait pas au sens de ma nomination. On était venu me chercher parce que j’avais beaucoup travaillé sur le numérique en santé quand j’étais au Conseil de l’Ordre. Je trouvais que j’étais sous-occupé.
Comment a réagi la tutelle à ce moment-là ?
J’ai alors reçu une lettre de mission, il y a environ trois mois, me confiant deux missions. La première c’était de constituer un cercle des professionnels de terrain. Ce que nous avons fait avec le vice-président de l’agence, Jean-Pierre Aquino en pensant l’élargir progressivement, en commençant par une trentaine de professionnels de santé, pour ensuite constituer des groupes de travail sur des sujets thématiques afin d'apporter des contributions constructives.
Quel était l'objet de la deuxième mission ?
C’était de porter la nouvelle feuille de route du numérique en santé qui allait être élaborée. Or il a d'abord fallu que je la réclame pour l’avoir ! Nous y avons apporté quelques observations constructives, il y a eu des corrections qui ont été faites et nous sommes arrivés à la version telle qu’elle a été présentée au ministère de la Santé. Toutefois, pour sa présentation publique, ni le président, ni le vice-président de l'ANS n’ont été sollicités pour intervenir. Il eût été courtois que nous puissions nous exprimer.
Est-ce la raison pour laquelle vous avez décidé de partir ?
Non, ce n’est pas la question. C’est le fait que ce que je faisais ne correspondait plus à la fonction de président d’une agence. Même si je l'ai exercée avec plaisir, quel est l’intérêt de désigner un professionnel de santé pour simplement présider une AG et un conseil d’administration ?
Quel bilan dressez-vous de vos trois ans de présidence et de votre travail avec la Délégation du numérique en santé ?
Beaucoup de choses positives ont été réalisées. D’abord les services socles ont été mis en place dont l’identifiant national de santé. Ce n’est pas rien. Ensuite, il y a eu des évolutions au niveau de la télémédecine au sens très large, le télésoin en particulier, avec la rentrée dans le domaine public et la prise en charge par l’Assurance-maladie de la télésurveillance. Les dispositifs médicaux connectés sont reconnus. Et cet immense chantier de Mon espace santé qui reprend le DMP est une vraie avancée. Je continue de penser qu’il peut être très utile que les citoyens aient un dossier médical qu’ils puissent partager entre les différents professionnels, même s’il y a encore des bugs. Il faut laisser aux choses le temps de se mettre en place, mais surtout y embarquer les professionnels de santé. Ce sont les meilleurs ambassadeurs auprès des patients.
Pas de surrisque pendant la grossesse, mais un taux d’infertilité élevé pour les femmes médecins
54 % des médecins femmes ont été victimes de violences sexistes et sexuelles, selon une enquête de l’Ordre
Installation : quand un cabinet éphémère séduit les jeunes praticiens
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols