« Consultez un médecin en ligne aujourd'hui », « renouvellement d’ordonnance », « évitez les déplacements et la salle d’attente »… La majorité des plateformes de téléconsultations tricolores déploient des « techniques publicitaires incitatives », dénonce ce mercredi l’URPS médecins libéraux d’Île-de-France. Un marketing qui a pour conséquence de « détourner le patient du parcours de soins habituel » en promettant « souvent un accès facile et rapide à une ordonnance ou à un arrêt de travail », regrette l’URPS, qui a mené une étude réglementaire sur le sujet avec le cabinet Caron Avocat.
D’août à septembre 2022, l’URPS et le cabinet d’avocat parisien ont passé en revue les activités des principales plateformes qui proposent des téléconsultations sans rendez-vous : Qare, Feeli, Livi, Medadom, Tessan, Urgence Docteur, Médecin direct, Hello Care… Des sites web qui offrent des « médecins en ligne ».
Logique de confort
Premier enseignement de l'analyse, l’intégralité des plateformes déploient des techniques marketing qui « vulgarisent l’acte de téléconsultation » et pourraient « inciter les personnes à y recourir dans une logique de confort en dehors du parcours de soins ». Aussi, ces sociétés n'hésitent pas à afficher en vitrine la simplicité mais surtout l'efficacité de la téléconsultation. « L’obtention ou le renouvellement d’une ordonnance est tout particulièrement mis en avant comme pouvant être facilitée par la conduite d’une téléconsultation, voire l’obtention d’un arrêt de travail », détaille l’étude.
L’accès rapide à un généraliste se transforme souvent en produit d’appel. « L’ensemble des contenus éditoriaux sont orientés vers une mise en relation avec ce dernier », note l’étude et le praticien est régulièrement présenté « comme intervenant en quelque sorte sous l’égide des équipes de direction de plateformes », pointe l'analyse. Pire, certaines sociétés invitent carrément les patients au démarchage. « Vous aimeriez pouvoir consulter votre médecin en vidéo, mais il ne propose pas encore la téléconsultation ? Invitez-le ! », peut-on lire sur l’un des sites.
Flou sur le remboursement
Au fil des pages web, le marketing offensif se mêle à un « manque de clarté », regrette l’URPS, qui souligne que certaines plateformes entretiennent le flou quant au remboursement du patient. « Rappelons que toute téléconsultation ne donne pas droit au remboursement du patient, qui obéit à des critères conventionnels précis », martèle l'Union des médecins libéraux. Or, les médecins de ces plateformes ont souvent la possibilité « d’exercer en dehors du cadre conventionnel de la téléconsultation : principes et exceptions du parcours de soins coordonné, logique territoriale », souligne l’étude.
Dans une conclusion sévère, l’URPS francilienne considère que « les conditions actuelles de téléconsultation ne permettent pas de garantir l’application de bonnes pratiques médicales et ne garantissent pas la sécurité de la prise en charge des patients ».
Une plateforme condamnée
Depuis plusieurs années, les sociétés commerciales sont aussi dans le collimateur de l'Ordre des médecins. En décembre dernier, le Cnom a fait condamner le site « Lemedecin.fr » au tribunal judiciaire de Paris pour « détournement ou tentative de détournement de patientèle au profit des seuls médecins référencés ». En référençant sur les moteurs de recherche les noms de praticiens français – dont la majorité ne s’était jamais inscrite sur « Lemedecin » – ce site conduisait « à détourner l’internaute de prendre rendez-vous avec son médecin en l’incitant à recourir à une téléconsultation avec un médecin abonné de la plateforme, disponible dans le quart d’heure », rapporte l’Ordre.
Le tribunal judiciaire a condamné la société – qui a fait appel – à cesser de référencer sur Google des médecins qui ne sont pas abonnés, mais aussi à préciser le nom du médecin abonné avec lequel une téléconsultation sur la plateforme est proposée, avant toute validation du rendez-vous et prépaiement.
Endiguer les dérives
Désormais, l’URPS réclame la mise en place d’un cahier des charges précis pour combattre ces dérives. L’Union souhaite par exemple que chaque confrère ait l'obligation « de déclarer une activité clinique présentielle majoritaire et un lieu de consultation ».
En décembre dernier, les parlementaires ont adopté, via la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), l’introduction d’un « agrément » obligatoire pour certaines plateformes de téléconsultation.
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