Moins d'un mois après la publication des décrets qui généralisent le remboursement de la télésurveillance médicale, les cardiologues affichent leur colère. Dans une lettre ouverte adressée le 23 janvier au président de la République, à la Première ministre, au ministre de la Santé et aux parlementaires, le Conseil national professionnel (CNP) cardiovasculaire, les organisations de cardiologie* et les associations de patients alertent sur « l’échec » programmé de la télésurveillance de l'insuffisance cardiaque.
Engagés depuis 2018 dans le programme Étapes – pour la surveillance à distance des patients insuffisants cardiaques – les cardiologues du privé et du public expriment ainsi « leur vive inquiétude » pour le suivi de leurs patients. Ils accusent les nouveaux textes réglementaires de « compromettre gravement la faisabilité de la télésurveillance et d’aggraver le pronostic des patients insuffisants cardiaques ».
« On nous charge la balance »
Pour les cardiologues, le décret publié serait même « le paroxysme des injections contradictoires ». Alors que l’Assurance-maladie met le paquet sur des campagnes de prévention contre l’insuffisance cardiaque, l’entrée dans le droit commun de la télésurveillance est « alourdie par la bureaucratie », regrettent-ils.
Les spécialistes déplorent ainsi une nouvelle couche administrative, synonyme de lourdeurs. « Par exemple, la facturation de la télésurveillance devra être réalisée tous les trimestres, et non tous les semestres comme c’était le cas avant », détaille au « Quotidien » le Dr Vincent Pradeau, président du CNP Cardiovasculaire.
Autre inquiétude du côté cardiologues : certains actes jusqu’alors dévolus aux prestataires incomberont désormais au médecin ou à l’infirmière. « Ce sera à nous de gérer les pré-alertes, les petits problèmes techniques, de surveiller le recueil du poids » regrette le Dr Pradeau, qui précise que la rémunération devrait être – en plus – légèrement inférieure à celle prévue dans le programme Étapes. Une aberration, pour le cardiologue girondin : « On nous répète que l’on veut gagner du temps médical, notamment grâce à la télésurveillance, et de l’autre côté on nous charge la balance ! »
« Flop nation »
« Dans ce contexte, la communauté cardiologique ne peut et ne veut assurer la responsabilité médico-légale de l’échec de la télésurveillance de l’insuffisance cardiaque », tonne le courrier des cardiologues. Ils craignent que ce projet de « start-up nation » prônée par l'exécutif ne se transforme en « Flop nation, risée de l’Europe ».
Face à ces injonctions, certains industriels ont même « jeté l’éponge », explique le Dr Pradeau. Il y a dizaine de jours, le « leader historique » de la télésurveillance de l’insuffisance cardiaque aurait annoncé son retrait et « d’autres suivront », anticipe le cardiologue.
Éviter les réhospitalisations
Médecins et patients craignent que ces décrets déstabilisent le suivi des quelque 18 500 insuffisants cardiaques suivis à distance depuis le lancement du programme Étapes. Une innovation pourtant « majeure » afin d'éviter les réhospitalisations et les passages aux urgences. « Il faut réécrire la copie », plaide le Dr Pradeau. Faute de quoi, les cardiologues préviennent : « Nous nous verrons contraints d’arrêter la télésurveillance de l’insuffisance cardiaque dont l'échec ne saurait être endossé par la communauté. »
* Société française de cardiologie, Syndicat national des cardiologues, Collège national des cardiologues des hôpitaux, Collège national des cardiologues français, groupe insuffisance et cardiomyopathie de la SFC
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