Deux mois à peine après que le budget de la Sécu a généralisé le principe du remboursement de la télésurveillance, il y a déjà de l’eau dans le gaz. La CSMF s’inquiète en effet du risque d’échec de la télésurveillance en ville. En cause : le montant des forfaits proposés au médecin pour suivre à distance leurs malades chroniques via des dispositifs médicaux connectés. Deux niveaux de forfaits seront mis en place, en fonction de la complexité.
Au détour d’une réunion avec le ministère de la Santé, « nous avons appris que le forfait serait de 10 et 25 euros par mois et par patient », explique au « Quotidien », le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Un tarif bien loin des espérances de la profession et bien en deçà de ce qui était proposé dans le cadre du programme Étapes, préfigurant la mise en place générale de la télésurveillance. À titre d’exemple - dans le cadre de cette expérimentation - pour le télésuivi d’une insuffisance cardiaque, le forfait pour le professionnel de santé est fixé à 110 euros par patient et par semestre, auxquels s’ajoutent 110 euros de paiement à la performance par patient et par an, pour un objectif de baisse de 20 % des hospitalisations pour insuffisance cardiaque.
« C’est une réduction drastique », constate le Dr Ortiz. D’autant plus que le ministère envisagerait de partager ce forfait entre les opérateurs de télésurveillance : a priori un quart de la somme pour le médecin et trois quarts pour l’infirmier qui réalise le suivi du patient à domicile. « Si ça ne bouge pas, la télésurveillance sera totalement inaccessible aux médecins libéraux, avance encore le Dr Ortiz. À ces tarifs, seuls les établissements pourront espérer rentrer dans leurs frais. »
Un forfait à partager
Le financement de la télésurveillance comprend également un forfait consacré au dispositif médical. La rémunération est versée aux industriels concernés pour assurer son installation, sa fourniture et l’apprentissage du maniement par le patient, souvent réalisé par un prestataire à domicile. Et là encore, les sommes avancées par le ministère de la Santé ne sont pas à la hauteur des attentes, « autour de 600 euros par an », indique le président de la CSMF. Une diminution qui « témoigne de la volonté de limiter le développement de la télésurveillance, voire de remettre en cause les expérimentations en cours », prédit la CSMF.
Jean-Paul Ortiz craint même un retrait des industriels du marché, par exemple pour le suivi en cardiologie des patients atteints d’insuffisance cardiaque. « Ces propositions sont de nature à étouffer dans l’œuf les velléités de télésurveillance venant tant des industriels que des médecins libéraux, s’inquiète la CSMF. Cela est contraire à l’intérêt de la population. » En offrant un suivi quotidien et à domicile des patients aux travers d'objets connectés, la télésurveillance permet « d’éviter le recours aux urgences et aux hospitalisations », mais aussi de favoriser l’accès au soin, indique encore le syndicat.
Entorse au dialogue conventionnel
Au-delà des tarifs, la CSMF dénonce la méthode mise en place par l’État pour fixer ces forfaits. La loi de financement de la Sécurité sociale précise en effet que « le montant forfaitaire de l'activité de télésurveillance médicale pris en charge ou remboursé par l'Assurance-maladie est fixé par arrêté ». Un processus excluant de facto toute négociation conventionnelle. « Cette entorse au dialogue conventionnel témoigne de la volonté de l'État de mettre la main sur ce dialogue qui est la base de la relation entre les professionnels de santé libéraux et la société française », regrette la CSMF qui dénonce la « mainmise de l’État » sur la télésurveillance.
Alors que le gouvernement avait annoncé une enveloppe de 22 millions d’euros, alloués au remboursement du télésuivi en 2022, la CSMF attend du ministère « des moyens indispensables » et espère « que le numérique en santé ne sera pas un plan d’effet d’annonce mais une réalité pour tous les Français ».
En attendant, le programme Etapes est prolongé jusqu’au 1er août 2022.
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