Par le Dr Patrick Leblanc
« LORSQUE les conditions médicales le nécessitent »... Ce simple ajout à l’alinéa 4 de l’article 9, voté lors du passage de la loi de bioéthique à l’Assemblée nationale, a suscité une réaction scandalisée de certains médecins : ils estiment que cet amendement est contraire au droit d’information du patient et expriment leur souhait qu’il soit supprimé. Cela signifierait que tous les médecins seraient tenus de proposer systématiquement, à toutes les femmes enceintes, ces examens de dépistage.
Leur point de vue, dont ils annoncent qu’il est fondé sur le principe du droit à l’information du patient, repose en réalité sur une interprétation inexacte de la loi. Le fait de proposer les examens de biologie médicale et d’imagerie à toute femme enceinte « lorsque les conditions médicales le nécessitent » est non seulement en totale conformité avec les principes du code de déontologie médicale mais, mieux, il les renforce !
Liberté de prescription.
En effet, l’alinéa 4, qui vient d’être voté à l’Assemblée, renvoie au principe de la liberté de prescription des médecins prévue dans le code de déontologie médicale (R4127-8). Ce dernier précise que « dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qu’il estime les plus appropriées en la circonstance ». Cet alinéa exprime donc clairement que c’est au médecin d’ajuster une réponse de prescription à un examen objectif de la situation du patient, de son propre état.
Dans le cas du suivi de la grossesse, pourquoi en serait-il autrement ? Pourquoi les médecins et les patientes devraient-ils être soumis à des règles de prescriptions exorbitantes du droit commun par le fait qu’elles dérogent à la conception ordinaire d’une pratique de dépistage ?
Prenons l’exemple de la trisomie 21 : le risque d’attendre un bébé atteint de trisomie 21 varie considérablement selon l’âge de la future mère. Une femme enceinte âgée de 25 ans n’est pas dans une situation médicale à risque concernant la trisomie 21 (environ 1 cas sur 1 500) contrairement à une femme de 40 ans (environ 1 cas sur 100).
D’une manière générale, le droit de la santé publique comme les recommandations des organismes de santé et d’assurance-maladie, tant au niveau national qu’international, ne recommandent la réalisation d’examens de dépistage qu’à partir d’un certain seuil de risque et jamais de manière systématique pour toute la population. D’ailleurs, le dépistage de la trisomie 21 tel qu’il est conçu en France déroge à l’ensemble des critères définis par l’OMS pour justifier l’organisation d’un dépistage (parmi ces critères, une menace grave pour la santé publique, l’existence d’un traitement, etc.).
Et la distinction qu’un médecin doit établir entre ses patients n’est ni un défaut d’équité, ni un manquement à un principe de justice, mais bien une adaptation personnelle du médecin à chaque cas qui est au fondement de l’art médical.
Le droit à l’information renforcé.
Ainsi, cet alinéa renforce aussi le droit à l’information du patient sur ses véritables bases. Selon l’article L1111-2 du code de la santé publique, « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé » et ce, « dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables ». Celles-ci précisent en particulier que « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information (…) appropriée à son état (article R 4127-35 du code de déontologie médicale) ».
Si la future loi de bioéthique ne respecte pas ces deux principes – liberté de prescription et droit à l’information des patients –, elle fera des médecins des prescripteurs automatiques de tests, souvent inutiles, toujours anxiogènes.
Reprenons le cas de la jeune femme enceinte âgée de 25 ans. On convient aisément qu’il serait absurde et traumatisant pour elle de l’informer de tous les risques potentiels de maladies, de handicaps et d’accidents (souvent à risque plus élevés que la trisomie, voire mortels) qu’elle-même et son bébé encourent ! Elle a besoin d’une information adaptée à sa situation, que seul le médecin peut apprécier. Comme il n’y a pas d’équation « état de grossesse » = « risque uniforme de trisomie 21 », informer obligatoirement cette femme d’un risque relèverait de la mise en œuvre d’une politique de santé publique d’éradication de tous les êtres atteints de cette pathologie.
Reste une dernière critique : la proposition de l’alinéa 4 voté par les députés laisserait la prescription du dépistage au « bon vouloir » des médecins et s’expliquerait par « des convictions personnelles » ? Ce n’est pas sérieux. Il est précisé que le dépistage sera proposé « lorsque les conditions médicales le nécessitent ». Quant aux hypothétiques « convictions personnelles », il est temps de réaliser qu’en France cet épouvantail a trop longtemps et facilement été utilisé pour confisquer un débat dont nos métiers et la société dans son ensemble ont grand besoin. Ne nous trompons pas de débat : en 2011, le danger n’est pas dans la sous-information des patientes, il réside dans la pratique eugénique actuellement constatée. Nous devons prémunir notre démocratie de dérives techno-scientifiques qui sont contraires aux droits de l’Homme. Nous devons aussi protéger la médecine prénatale en rendant aux médecins la liberté d’exercer leur art exclusivement au service des patients.
sauverlamedecineprenatale.org.
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