La fin de vie fait débat en Allemagne, avec pas moins de trois propositions de loi déposées devant l'Assemblée parlementaire (Bundestag). L'Académie nationale de médecine s'en est fait l'écho durant une séance avec l'Académie allemande des sciences Leopoldina lors d'un premier symposium commun le 14 juin à Paris.
Au contraire de l'euthanasie, interdite notamment pour des raisons historiques, le suicide assisté est autorisé depuis deux ans en Allemagne, mais non encadré. Le 26 février 2020, la Cour constitutionnelle fédérale a en effet affirmé l'inconstitutionnalité d'une loi bavaroise interdisant le suicide assisté. « Cette décision de la Cour fait de l'Allemagne le pays le plus libéral du monde en matière de suicide assisté », explique au « Quotidien » Dieter Birnbacher de l'institut de philosophie de l'Université Heinrich-Heine de Düsseldorf, invité au symposium de l'Académie de médecine.
Pour autant, la pratique ne fait l'objet d'aucune réglementation claire. Quant au code de l'Ordre des médecins, il n'interdit plus l'assistance médicale au suicide depuis le 5 mai 2021. « La légalité de l'acte est déconnectée de l'état pathologique du patient, poursuit Dieter Birnbacher. En principe, une personne âgée qui est simplement lassée de vivre peut demander le suicide assisté. Environ 300 suicides assistés ont eu lieu en 2021. Cette pratique est minoritaire chez les médecins, car la législation est incertaine. »
Pour mieux encadrer la situation, trois propositions de loi ont été déposées au Bundestag. Aucun des textes n'aborde la définition clinique des patients pouvant accéder au suicide assisté. « Cet aspect du problème sera laissé à l'appréciation des sociétés savantes », précise Dieter Birnbacher.
Deux examens en trois mois
La première proposition de loi, la plus restrictive, a été déposée par Lars Castellucci et ses collègues du parti social-démocrate d'Allemagne (SPD). Elle propose une interdiction du suicide assisté, sauf pour certains cas bien définis. En pratique, cela se traduit par deux examens par un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, dans un intervalle de trois mois, et une consultation globale et ouverte dans un centre interdisciplinaire pour une information complète. Le texte interdit toute forme de publicité du suicide assisté, sous peine de poursuites, afin de « contrecarrer la normalisation sociale du suicide ».
Le texte prône une révision des critères définissant le volontariat. L'accès au suicide assisté est subordonné à « la capacité de comprendre et de juger » la situation, fermant la porte aux patients atteints de trouble mental aigu. Selon Lars Castellucci, « les troubles mentaux sont présents dans environ 90 % des actes suicidaires mortels, notamment sous forme de dépression (chez environ 40 à 60 % des cas) ». Il ajoute que « la dépression, souvent difficile à reconnaître - même pour les médecins - entraîne une capacité limitée à donner son consentement dans environ 20 à 25 % des suicides ».
Les libéraux démocrates pour l'obligation d'assistance
Le deuxième texte provient du parti libéral-démocrate (FDP). Il adopte une autre approche en fournissant des garanties législatives au « droit à une mort autodéterminée ». Le projet est le seul à introduire une obligation d'assistance pour les praticiens. Le texte décrit aussi les personnels (médecin, psychiatre, assistant social) requis pour les centres de conseil dédiés au suicide assisté. Un médecin aurait l'obligation de contacter un de ces centres moins de huit semaines après que le patient lui a fait part de son désir de mourir. Point commun avec la proposition du SPD, des conditions sont requises : absence de trouble mental aigu, information complète sur le suicide assisté et les alternatives, mais aussi être résident allemand.
Les écologistes, libertaires
La troisième proposition, la plus libérale, émane du parti écologiste allemand. Ce texte propose un accès libre et sûr à certains stupéfiants pour les candidats au suicide. Une des pistes proposées est une simple modification de la loi sur les stupéfiants, moyennant un renforcement de leur traçabilité. Les médecins n'ont qu'un rôle minimal dans le suicide assisté : celui de vérifier que le patient remplit bien les critères médicaux d'éligibilité. Les auteurs estiment qu'assister au décès d'un patient pour une raison autre que sa maladie est contraire à la mission médicale.
« La Suisse est un modèle pour les libéraux, commente le philosophe Dieter Birnbacher. Une enquête de 2010 montre que, dans leur majorité, les médecins sont contre le suicide assisté, non pas pour des raisons éthiques, mais à cause du poids psychologique que cela représente. Je pense que, si le suicide assisté est autorisé, le médecin doit être impliqué systématiquement. » Le résultat des débats au Bundestag est attendu à l'automne, avec une loi qui devrait être votée avant la fin de l'année.
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