Sondage contre sondage. Alors que la Convention citoyenne sur la fin de vie doit commencer ses travaux dès le 9 décembre, la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) et l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) publient les résultats de deux enquêtes qui témoignent des divergences qui existent autour de la question de l'encadrement de la fin de vie en France.
Alors que le Comité consultation national d'éthique (CCNE) dans son avis 139 invite à réflechir à une aide active à mourir dans de strictes conditions, au sein des soins palliatifs, une très grande majorité de soignants est attachée au cadre actuel de la loi Leonetti-Claeys (qui ouvre le droit à une sédation profonde et terminale jusqu'au décès, pour certains malades incurables au pronostic vital engagé à court terme). Et exprime de la réticence à l'égard d'une implication dans une aide active à mourir.
Le monde des soins palliatifs vent debout
Ainsi, selon un sondage réalisé avec OpinionWay début septembre, auprès de 1 335 personnes exerçant en soins palliatifs dont 1 009 acteurs de soin professionnels (médecins, IDE, psychologues, etc.) et 326 bénévoles, 90 % des personnes interrogées déclarent être satisfaites du cadre légal actuel, qu'elles maîtrisent pour 74 % d'entre elles, voire 87 % pour les médecins.
En outre, 85 % des acteurs de soins palliatifs et en particulier, 89 % des médecins, se disent défavorables à une « évolution de la législation vers l’instauration d’une mort intentionnellement provoquée ». Ils sont 83 % à déclarer que ce type de geste ne peut être considéré comme un soin (et 86 %, parmi les bénévoles, 87 % pour les médecins).
Clause de conscience et démission, face à l'euthanasie
S’il leur était demandé de participer à une procédure de mort intentionnellement provoquée, les soignants interrogés par la Sfap refuseraient de réaliser les actes les plus engageants. Seulement 12 % des médecins accepteraient de faire la prescription, 7 % des médecins et des infirmiers accepteraient de préparer le produit létal, et 6 % envisageraient de l’administrer (ce qui serait de l'euthanasie, et non plus de l'assistance au suicide, qui implique que la personne prenne elle-même le produit létal).
Si la loi évoluait, toutefois, un quart (26 %) des acteurs de soins plaide pour un modèle comme l'Oregon (qui a aussi inspiré le CCNE), de suicide assisté, avec mise à disposition du produit létal. Quelque 23 % des médecins plaident plutôt pour du suicide assisté par une association (modèle suisse), 18 % pour du suicide assisté dans un cadre médical, et seulement 2 % par l'euthanasie à la main du soignant.
Si l'euthanasie administrée par un soignant était légalisée, les médecins des soins palliatifs seraient 42 % à utiliser une clause de conscience, et 34 % des soignants iraient même jusqu'à démissionner. Les trois quarts craignent des tensions dans les équipes. « Le monde des soins palliatifs rejette massivement ce chemin qui ne correspond pas à l’esprit et à la pratique de ce que la France a construit de manière consensuelle au cours des dernières décennies », commente la Dr Claire Fourcade, présidente de la Sfap.
Une confiance préservée en des médecins pro-euthanasie
À front renversé, l'ADMD soutient, à partir d'un sondage commandé à l'Ifop en octobre 2022, auprès d'un échantillon représentatif de 1 013 personnes que 78 % des Français attendent de la convention citoyenne qu'elle légalise l'aide active à mourir. Près de 80 % se disent confiants dans un médecin qui serait favorable à l'euthanasie, à peine moins (77 %) en un professionnel qui pratiqueraient des euthanasies.
Et 82 % des Français considèrent, selon l'ADMD, que l'euthanasie et le suicide assisté sont des soins de fin de vie. « L’argument disant qu’une loi de légalisation de l’aide active à mourir romprait le lien de confiance établi entre les médecins et les Français ne tient plus. La position favorable d’un médecin au regard de l’euthanasie ne crée pas de situation de défiance à son égard, bien au contraire », analyse l'ADMD.
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