« Nous condamnons sans appel toutes les attitudes discriminatoires de médecins envers les patients en raison de leur origine, leurs mœurs. En revanche, on ne peut pas répondre à de tels problèmes par la constitution d'annuaires communautaires. » Interrogé par « Le Quotidien », le vice-président de l'Ordre national des médecins (CNOM), le Dr Jean-Marcel Mourgues, revient sur une pratique dénoncée cet été sur Twitter par la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA). L'organisation a épinglé deux messages venant d’un compte baptisé Globule Noir, qui se présente comme un groupe de soignants de couleur. Ce compte, aujourd’hui disparu, affichait des contacts de gynécologues noirs franciliens et mentionnait dans un autre message l'offre d'une patiente recherchant une infirmière à domicile racisée, toujours en Île-de-France. En réaction, plusieurs internautes avaient expliqué choisir des praticiens « qui leur ressemblent », après avoir reçu des commentaires racistes lors de consultations.
La folie identitaire conduit à cela : choisir son médecin en fonction de la couleur de son épiderme et publier des listes de médecins noirs. Nous demandons à @olivierveran de se saisir de cette question pour défendre l’honneur d’une profession et celle de la République ! pic.twitter.com/bQ9VgZGqg8
— Licra (@_LICRA_) August 2, 2020
Face à cette initiative, l'Ordre des médecins et l'Ordre des infirmiers ont violemment réagi, refusant que des accusations de racisme « soient portées à l’encontre des soignants, attentant à leur honneur et jetant le discrédit sur leurs professions ». Les deux Ordres « ne peuvent accepter que la santé, pilier de notre pacte social, soit soumise aux sirènes de communautarisme et de la division, dans une période où notre société se doit, plus que jamais, d'être unie ».
Selon le Dr Mourgues, cette approche risque de conforter la société française dans un communautarisme contraire à l'humanisme médical dicté par l'article 7 du code de la déontologie médicale. « S'il y a des discriminations, la voie à prendre est de les signaler et de porter plainte auprès de l'Ordre pour que ces médecins soient sanctionnés. Nous ne sommes pas dans le déni de ces problèmes, contrairement à ce que nous avons pu lire », ajoute-t-il.
Réformer l'enseignement du soin
La défense ordinale est loin de convaincre l'association Pour une M.E.U.F (Pour une médecine engagée unie et féministe), qui se définit comme une association féministe de soignant(es) en lutte contre le sexisme dans le domaine de la santé et du soin. « Malgré les témoignages abondants de racisme, d'homophobie, de mépris de classe, l'Ordre des médecins et des infirmiers nient l'existence de discriminations dans le soin et préfèrent pointer du doigt les patients (es) cherchant des stratégies pour être soignées décemment. En parallèle, les comportements délictueux de certains médecins ne sont que très rarement sanctionnés », lit-on dans un communiqué. L'association pointe aussi du doigt « les formations en soins qui intègrent encore trop peu voire pas du tout les notions de discriminations dans les soins » et appelle à une réforme profonde de l'enseignement du soin.
Pour l'heure, la prise de position des deux conseils ordinaux a été soutenue par le ministre de la Santé Olivier Véran dans un courrier récent, selon le Dr Mourgues. L'élu ordinal appelle les représentations des professionnels de santé (ordres, universités, etc.) à engager une réflexion globale pour lutter contre les attitudes discriminatoires et « mieux comprendre les demandes de besoins de santé spécifiques de communautés qui peuvent estimer, à tort ou à raison, qu'elles sont insuffisamment bien prises en charge ».
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