Après quatre mois et demi de procès, un ancien ministre de la Santé, Xavier Bertrand, cité par la défense des laboratoires Servier, est venu témoigner jeudi dans l’affaire Mediator.
Lorsque le scandale a éclaté, l’actuel président de la région Hauts-de-France était ministre de l’Emploi et de la Santé au sein du troisième gouvernement Fillon (de 2010 à 2012). Xavier Bertrand avait déjà occupé ce poste entre 2005 et 2007.
Premier responsable
Dans la vaste salle d'audience du tribunal de Paris, l’ex-ministre de la Santé, plutôt à l'aise, a reconnu d’emblée que ce dossier avait été à la fois « tragique » et très particulier dans ses fonctions. « J’ai été nommé un dimanche de novembre 2010 et c’est le mardi matin que j’ai entendu à la radio ce que sera le scandale de Mediator et son nombre de victimes ».
Il dit avoir mesuré aussitôt le drame qui se jouait et posé la question de la prise en charge et de la réparation. D'où sa décision immédiate « pour faire toute la lumière » de diligenter une mission IGAS, dont les conclusions « éclairantes », dès janvier 2011, démontreront les « failles » du système, y compris celui de la sécurité du médicament et de la pharmacovigilance. Mais, « le premier responsable, c'est Servier », déclare sans fard Xavier Bertrand.
Signaux faibles
À la suite de ce rapport, une loi réformant le système de sécurité sanitaire sera adoptée avec plusieurs mesures : meilleure remontée des signalements des effets indésirables, suppression de l'agence française de sécurité des produits de santé (AFSSAPS) au profit de la nouvelle agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), renforcement de la transparence en matière de liens d'intérêts...
« Je voulais un changement profond pour que les signaux faibles comme ceux remontés par le Dr Georges Chiche puissent être réellement pris en compte. Ce qui n'était pas le cas », soutient Xavier Bertrand. Avant même le combat du Dr Irène Frachon, ce cardiologue des quartiers Nord de Marseille avait tenté en vain de lancer l'alerte dès 1998, en signalant au centre régional de pharmacovigilance un cas de fuite valvulaire aortique sur un de ses patients.
Se faire balader
Xavier Bertrand souligne qu'il a agi également en mettant en place un fonds d'indemnisation des victimes. « Je ne comprenais pas comment on pouvait mettre sur le marché un tel médicament. Comment ensuite, on avait voulu dissimuler les informations et ne pas vouloir aller dans le principe d'indemnisation. La compassion était un mot qui leur était totalement étranger », attaque Xavier Bertrand au sujet du groupe pharmaceutique.
L'ex-ministre cite les propos tenus par Jacques Servier en janvier 2011, lors des vœux de l'entreprise : « Mediator, c'est trois morts ». Quant au fonds d'indemnisation proposé par Servier, il ne mâche pas ses mots : « C'était un fonds fermé, avec un budget fermé et des conditions d’interprétation qui auraient été forcément restrictives. J’avais le sentiment qu'on allait se faire balader par Servier ». Aujourd'hui, quelque 180 millions d’euros ont été versés par la firme.
Accusateur
Ces critiques ont soulevé l'ire des avocats de Servier. « Vous êtes accusateur », tonne Me François de Castro. « Vous avez toujours stigmatisé les laboratoires Servier, vous portez atteinte à la présomption d'innocence ! », abonde Me Hervé Temime, autre défenseur du groupe. L'ancien secrétaire général de l’UMP répond du tac au tac : « Mais madame la présidente, si mes propos pouvaient tomber sous le coup de la loi, pourquoi aucune action n’a-t-elle été engagée contre moi ? »
C'est dans cette ambiance électrique que la présidente du tribunal a posé à Xavier Bertrand la question du remboursement. Lorsqu’il était déjà ministre de la santé en 2006, pourquoi n'a-t-il pas pris la décision de dérembourser le Mediator alors que l’avis de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) de mai 2006 évoquait un service médical rendu (SMR) insuffisant (avis conforme à celui déjà rendu en novembre 1999).
Xavier Bertrand affirme n’avoir pas eu connaissance de cette demande. « Sur le Mediator, il y a eu un aller-retour entre la HAS et l’AFSSAPS pour avoir des évaluations complémentaires. La décision de déremboursement n’a jamais été soumise au ministère », se défend-il. « J’ai cherché à savoir si le cabinet était en faute. Mon équipe a dit que le ministère n'a pas été sollicité. C’est pourquoi j’ai souhaité que tous les dossiers à caractère sensible soient soumis mensuellement au ministre. »
Légion d'honneur
La question de l’influence politique est également venue sur le tapis. « Que pensez-vous de la légion d’honneur remise à Jacques Servier en 2009 par Nicolas Sarkozy ? », lance un défenseur des victimes. « À ce moment-là, Nicolas Sarkozy n’était absolument pas en connaissance des risques du Mediator et de l’existence de victimes », rétorque Xavier Bertrand. « Les non-décisions de dérembourser sont-elles liées à la proximité avec les laboratoires Servier ? », décoche François de Castro, défenseur du groupe pharmaceutique. « Ma réponse est non, maître. À aucun moment, ni l'Élysée, ni Matignon ne m’ont entravé », affirme l’homme politique.
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