« Docteur, un peu de raisin ? C’est du muscat, il est délicieux. Ce matin, je suis partie en ambulance et je suis revenue en ambulance. Le médecin de Necker m'a dit que le cœur va bien », annonce fièrement Simone, 84 ans, à l'adresse du Dr Marie-Sophie Lim.
Scène ordinaire rue Friant dans le 14e arrondissement de Paris. Cet après-midi, la généraliste du quartier entame sa première visite à domicile à vélo dans un appartement cossu, au quatrième étage sans ascenseur. Covid oblige, le médecin prend toutes les précautions : masque, gel, gants. « Ce rendez-vous a été programmé depuis un mois. Ma patiente qui vit seule a des problèmes cardiaques et elle est hospitalisée de temps en temps pour son cœur. Quand elle décompense, sa belle-fille ou l'infirmier qui passent tous les jours me préviennent », raconte d'une voix douce le médecin de 41 ans.
Prise de tension, contrôle du poids, auscultation… l’examen clinique se déroule dans une ambiance chaleureuse. Simone, attentive, montre au médecin des nodules sous son sein gauche. Cette information figure bien dans le carnet de liaison rempli par l’infirmier référent. « Avant le confinement, vous deviez faire une mammographie. On va reprendre un rendez-vous », rassure le Dr Lim, qui en a profité pour vacciner la vieille dame contre la grippe. La visite a duré trois quarts d'heure.
Déplacements soigneusement préparés
Mais pas question de s'attarder pour la généraliste qui remonte sur son vélo pour une deuxième intervention toute proche, rue des Plantes. Une patiente de 92 ans atteinte de troubles cognitifs l'attend dans une résidence de standing. « Son infirmière m’a prévenue pendant mes vacances qu’elle était en arythmie et anormalement fatiguée. Mais ce qui m'inquiète le plus c'est son anémie », confie la généraliste. Après auscultation, le Dr Lim se montre rassurante. « Vous étiez un peu dénutrie. Mais là vous avez pris deux kilos. Je suis plutôt contente », se félicite la quadragénaire.
Cette fois, la visite n'aura duré « qu'une demi-heure ». Mais avant chaque déplacement, la généraliste a pris du temps pour bien préparer ces consultations hors du cabinet : récupération et analyse des résultats des examens biologiques, vérification des dossiers médicaux, ordonnances, feuilles de soins papier, matériel… « Cela me prend environ une heure de plus », reconnaît le médecin.
Environnement familial
En plus de ses 20 à 25 consultations par jour, la généraliste, installée depuis douze ans dans le même cabinet de groupe, effectue trois à quatre visites à domicile par semaine à l'heure du déjeuner. « J'ai toujours aimé la gériatrie. Et puis, cette activité en dehors du cabinet est un plus pour mon exercice car je vois mes patients dans leur environnement familial. Ils sont pour la majorité d'entre eux âgés, polypathologiques et je les suis depuis longtemps. Ce qui me permet de mieux les prendre en charge et d'éviter des hospitalisations ou des passages aux urgences. »
Sur les 1 600 patients qui l'ont déclarée en tant que médecin traitant, 16 % ont plus de 70 ans et 30 % plus de 60 ans. En 2019, le Dr Lim a effectué 230 visites. En plein reconfinement pour cause de deuxième vague, le médecin sait qu'elle va devoir s'organiser autrement. « Je vais d'abord appeler les patients pour faire l'interrogatoire au téléphone, préparer les ordonnances avant d'arriver pour limiter au maximum les contacts physiques ».
« Ça vaut trois consultations normales »
Après douze ans de visites à domicile, la généraliste refuse « d'abandonner » ses patients, malgré toutes les contraintes. « C'est très chronophage. Il faut prendre le temps pour se déplacer, écouter et comprendre des patients polypathologiques avec souvent des troubles cognitifs, il faut aussi se coordonner avec les aidants et paramédicaux. Et c'est très mal payé ».
De fait, la généraliste facture 35 euros chaque visite standard qui dure 30 minutes à une heure en moyenne. Les visites longues et complexes à 70 euros (dont 10 euros de majoration de déplacement) ne sont facturables que « dans la limite de trois par an », regrette-t-elle. « Si on veut que les jeunes médecins en fassent, il faut augmenter cette rémunération. Passer plus d'une heure avec un patient, cela vaut trois consultations normales », revendique le Dr Lim.
Le médecin aspire aussi à une meilleure coordination avec les infirmiers intervenant à domicile et avec les hôpitaux grâce aux « outils fonctionnels ». « Souvent, après l’hospitalisation, l’ordonnance de sortie n’est pas adaptée au patient, avance la généraliste. Cela m’aiderait s’il y avait une téléconsultation avec l’infirmier à domicile du patient pour dire ce qui a changé ou ce qui ne va pas pour corriger l’ordonnance. Cela me permettrait déjà de gagner du temps. »
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