Nous avons tous en tête les applaudissements lors de la clôture de la COP 21. Historique, l’accord de Paris engageait tous les pays du monde à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à maintenir le réchauffement sous la barre des 2 °C d’ici à 2100. La Chine et les États-Unis, les deux pays les plus émetteurs de Gaz à effet de serre (suivis de près par l’UE ; nous ne sommes pas blancs comme neige) étaient de la partie. Au même moment, 700 élus locaux du monde entier rassemblés à l’Hôtel de Ville de Paris s’engageaient à aller vers 100 % d’énergies renouvelables et à une réduction des émissions carbone des villes de 80 % d’ici à 2050. C’était en 2015, nous sommes en 2022, à +1,2 °C d’après certaines estimations. Nous parlons officiellement depuis un an ou deux d’urgence climatique. Compliqué désormais d’atteindre les objectifs.
La bonne information, le bon diagnostic pour le bon traitement. En d’autres termes, la littéracie environnementale. Voilà ce qu’il faut pour arriver à limiter la catastrophe. Urgences et littéracie, deux termes empruntés à la Santé.
D’après Le monde sans fin, tout n’est qu’énergie… et croissance économique ; ladite croissance étant directement liée à la production énergétique fossile : les courbes se superposent. Notre société moderne reposerait sur une énergie qui coule à flots (c’est le cas de le dire). Sans contrainte énergétique, nous inventons des machines plus puissantes, qui nécessitent toujours plus d’énergie pour leur fabrication et leur fonctionnement. Notre téléphone nécessite plusieurs dizaines de composants provenant d’autant d’usines pour être fabriqué. L’emprunte carbone pour le produire est colossale. Le fait est, que nous consommons toujours plus (et donc indirectement nous utilisons toujours plus d’énergie), et que nous pensons la croissance, bénéfique. Pourtant, chaque choc pétrolier amorce une crise économique que nous comblons… en nous endettant. Chaque dette est censée être remboursée par une relance de la croissance qui favorise nos dépenses… énergétiques ! C’est ainsi que nous sommes passés de 1 200 kWh/habitant/an en 1960 à 3 128 kWh en 2014 de consommation électrique dans le monde.
Alors faut-il stagner, refuser la consommation, et ne plus développer les nouvelles technologies médicales ? Sûrement pas ! Il faudrait installer une énergie pérenne, peu épuisable et peu polluante, et ne pas dépendre de nos voisins pour obtenir cette énergie… 60 % de l’électricité mondiale provient des énergies fossiles. En d’autres termes, à l’heure actuelle, ce qui est électrique… n’est pas « propre ». Et les éoliennes et les panneaux solaires me direz-vous ? Certes, cette source d’énergie est inépuisable. Mais d’une part, elle n’est pas stockable : « pas de vent, pas d’électricité » (il faut pour cela des batteries au lithium qui est une ressource largement épuisable) ; et d’autre part, il faut consommer de l’énergie pour les fabriquer et les entretenir…
Quid du nucléaire alors ? Hiroshima et Nagasaki… Tchernobyl et Fukushima… La radioactivité nous a profondément marqués. Et bien que nos centrales ne fonctionnent pas selon les mêmes techniques et normes de sécurité, bien que les conséquences sanitaires et environnementales de cette production énergétique soient bien moindres que le charbon ou le pétrole, bien que les volumes de déchets liés au nucléaire soient minuscules et enfouis dans le sol à une profondeur qui ne polluera pas les nappes phréatiques, nous avons quand même peur. C’est pourtant, associée aux énergies renouvelables, la seule solution possible pour garder notre mode de vie avec une émission de carbone minime, et ce, pendant plusieurs milliers d’années. La France l’a compris puisque plus de 70 % de sa production électrique est nucléaire.
La santé, obligée de consommer de l'énergie
En attendant une organisation planétaire autour d’une énergie plus propre (rêvons, mes amis, rêvons d’un monde sans énergie fossile), la sobriété énergétique est de rigueur pour émettre moins de CO2. Quid du secteur de la Santé ? L’emprunte climatique de la Santé est gigantesque, équivaut à 4,4 % des émissions nettes mondiales. Certaines opérations chirurgicales auraient la même emprunte carbone qu’un 3 500 km en voiture. On estime que 50 % à 85 % des déchets à risque infectieux devraient être considérés comme des déchets ménagers. Pour autant, ce secteur est obligé de consommer de l’énergie… pour sauver des vies. L’utilisation de l’électricité par les serveurs qui gardent les données de santé et d’imagerie médicale est justifiée, les nouvelles technologies doivent continuer leur émergence, le soin doit continuer, cela n’est pas négociable.
Cependant, la Santé ne s’est par regardée en face. La fabrication et l’acheminement des médicaments, la politique du tout jetable, le tri des déchets, l’utilisation des gaz anesthésiants très polluants, les bâtiments qui sont des passoires énergétiques, tout cela mérite d’être considéré et repensé avec un regard environnemental. Mais l’hôpital public, en crise, pourra-t-il encore supporter ces contraintes ou initiatives supplémentaires ? Je pense que oui, car cela correspond aux valeurs des soignants. Des solutions écologiques dans certains services hospitaliers ont d’ailleurs déjà prouvé leur efficacité. Et puis cela est une nécessité. En attendant la seule solution valable et rationnelle (une énergie puissante et « plus propre » au niveau mondial), l’emprunte carbone de la Santé doit baisser, comme pour tous les autres secteurs. Et si l’on place enfin un peu d’éthique dans la croissance économique en choisissant des investissements plus justes par exemple, et si la parole des scientifiques, spécialistes du climat et de l’énergie, a enfin plus d’écoute que l’opinion de Monsieur Tout-le-monde, alors nous y arriverons ensemble.
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