Commandé début février par le gouvernement, à la suite du livre « Les Fossoyeurs », le rapport d'enquête des inspections générales des affaires sociales et des finances (Igas/IGF) sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) du groupe Orpea a finalement été publié ce mardi 5 avril par le ministère de la Santé – après un imbroglio autour de sa mise en ligne et le retrait de quelques passages (expurgés de certains montants financiers et du nom de certains partenaires commerciaux).
Accablant – le gouvernement et des familles ont déjà porté plainte – le rapport de 500 pages confirme plusieurs défaillances sur le fonctionnement des Ehpad du groupe Orpea et « l'usage des deniers publics », notamment des dotations soins et dépendance.
Côté gouvernance, en se basant sur les visites inopinées de dix établissements (dans six régions), plus de 40 rapports d'agences régionales de santé (ARS) et des rapports d'évaluation interne et externe, les inspecteurs font état d'un « fort degré de centralisation » et de turn-over au niveau de la direction des Ehpad – établissements dont l'autonomie est « fortement limitée » par le niveau régional et le siège. La prévention et le suivi des évènements indésirables « pâtissent » de cette procédure centralisée : les délais de transmission aux autorités des événements les plus graves sont souvent « trop longs ».
Taux de rotation et glissements de tâches
Concernant la prise en charge et l'accompagnement des résidents, de graves anomalies sont constatées. 11 % des établissements du groupe pratiquaient « un dépassement récurrent de la capacité d’accueil autorisée » en 2019. Dans un marché du travail tendu, Orpea affiche « une gestion des ressources humaines plus dégradée que la moyenne sectorielle », qui affecte la prise en charge des résidents, avec un taux de rotation des personnels quasiment « deux fois plus élevé » que la moyenne du secteur.
La pression sur la masse salariale confronte les directeurs d’exploitation à des difficultés de gestion des RH qui transparaissent dans les irrégularités sur les contrats de travail, et dans les « glissements de tâches ». Cette « stratégie d’optimisation » conduit à des niveaux d’encadrement « pas toujours à même de garantir la bientraitance des résidents ». En 2019, le taux d’encadrement était de 61,6 salariés pour 100 lits, contre 62,1 en moyenne dans le secteur privé. « Sans que cela ne soit exceptionnel au sein du secteur, ce taux d’encadrement affecte la qualité de la prise en charge des résidents », estiment l'Igas et l'IGF.
L'accompagnement s'en trouve « altéré ». Des difficultés ont été constatées dans la présence auprès des résidents lors des levers et la nuit, tandis que les toilettes sont réalisées « rapidement » ou tardivement « faute de temps ». De même, la place des soins « n'est pas garantie » dans certains établissements.
Selon les informations du groupe, sur 226 Ehpad Orpea en France, 185 avaient un médecin coordonnateur en février 2022 : 18 % en sont donc dépourvus (proportion inférieure aux 33 % évoqués par la Cour des comptes). Résultat, plus de la moitié des résidents n’ont pas eu d’évaluation gériatrique depuis plus d'un an et « la traçabilité médicale de l’examen clinique dans les dossiers de soins » ne permet pas de comprendre clairement la stratégie thérapeutique pour chaque résident, peut-on lire.
Quantité de nourriture insuffisante
Des points de vulnérabilité ont été repérés dans la prise en charge médicamenteuse.
Le rapport cite des comprimés « qui ne doivent pas être écrasés » ou des gélules « qui ne doivent pas être ouvertes » administrés à des patients identifiés comme ayant des troubles de la déglutition, la présence de médicaments périmés dans les stocks ou encore des délais entre trop courts entre les prises de produits… En revanche, concernant le « rationnement organisé » des protections décrit dans les « Fossoyeurs », le rapport ne l'identifie pas mais constate une « inadaptation des tailles », une mauvaise gestion des stocks et un « mésusage ».
Au niveau des repas, « il n'y a pas de garantie suffisante que les besoins nutritifs des résidents soient satisfaits », note le document. Même s'ils ne définissent pas à eux seuls les apports nutritionnels, « les grammages des aliments sont sensiblement et systématiquement insuffisants », notamment pour les aliments protéiques et les féculents. « Il existe un sérieux doute quant à l’atteinte de l’apport calorique nécessaire aux résidents », insiste le rapport. Par ailleurs, dans plusieurs Ehpad, une période de jeûne excessive est constatée entre le dîner servi tôt, et le petit déjeuner – et ce, alors que la moitié des résidents ont une dénutrition « sévère ou modérée ».
Documents insincères
Enfin, sur la partie financière, les conclusions de la mission sont tout aussi sévères et confirment l'existence de « remises de fin d'année ». « Les documents financiers obligatoires transmis aux tutelles par les Ehpad sont insincères et présentent des pratiques d’imputations non réglementaires de charges sur les forfaits soins et dépendance », peut-on lire.
Le processus budgétaire interne au groupe « organise la mise en réserve d’une partie des forfaits soins reçus par les Ehpad ». Ce montant total mis en réserve était de 20,1 millions d'euros en 2018, soit en moyenne 8,6 % du forfait global relatif aux soins attribué à Orpea – mais seuls 6,8 millions d'euros ont été dépensés conformément au Code de l’action sociale et des familles, « le reste ayant servi à des dépenses non conformes ou à la constitution d’excédents ».
54 % des médecins femmes ont été victimes de violences sexistes et sexuelles, selon une enquête de l’Ordre
Installation : quand un cabinet éphémère séduit les jeunes praticiens
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier