Quelques jours avant sa réélection, le chef de l’État voulait déjà ne pas perdre de temps. Après avoir martelé la promesse d'un « changement de méthode » durant sa courte campagne, Emmanuel Macron compte bien appliquer ce précepte à la santé, en lançant, d’ici le début de l’été, une vaste « convention des parties prenantes ». Un brainstorming généralisé, réunissant libéraux, hospitaliers, citoyens, patients et collectivités, autour de la refonte du système de santé, « face au drame des déserts médicaux ».
« Ce sera mobilisation générale, dès les premiers mois, avec des moyens nouveaux et surtout une nouvelle méthode », décrivait ainsi le candidat Macron le 22 avril, lors de son ultime déplacement de campagne à Figeac, dans le Lot. « La stratégie sera établie au niveau national, puis déclinée dans les territoires en associant les élus, tous les professionnels et les associations », garantissait encore Emmanuel Macron.
Cette large concertation fait écho aux États généraux de la santé (Egos) Organisés en 2008 par Roselyne Bachelot, ces débats avaient permis de poser les premières pierres de l’exercice coordonné, avec des constats qui résonnent encore aujourd'hui. « La situation, si nous ne faisons rien, ira en s'empirant, et de véritables déserts médicaux risquent de s'installer », lançait alors, prémonitoire, Roselyne Bachelot.
Trois à quatre mois pour tout remettre à plat
Le nouveau gouvernement se laissera cette fois-ci « trois à quatre mois » pour « poursuivre la révolution de notre système de santé et la prévention de tous », détaillait Olivier Véran, en mars dernier. De la concertation devraient émerger de nouvelles orientations politiques en particulier sur la question de la continuité des soins en ville et à l’hôpital, mais elle pourrait également servir de cadre aux prochaines négociations conventionnelles.
« J’attends vraiment du futur ministre qu’il mette tout le monde autour de la table, avec un véritable débat citoyen, sur le premier recours », s’enthousiasme Gérard Raymond, président de France assos santé. « Appelez-la comme vous voulez : « Grenelle de la santé », « états généraux » ou « Ségur de la santé publique », le boulot reste à faire ! », presse le représentant des associations de patients.
Du côté de la profession, on salue globalement le changement de méthode mais certains restent plus circonspects sur l’apport réel de l’exercice. Aussi, MG France se dit « prêt à relever le défi de l'accès aux soins », mais « attend que cela bouge rapidement, il n'y a pas besoin de passer par une grande conférence nationale », cingle le Dr Jacques Battistoni, président du syndicat de généralistes. « Il faudra aussi clarifier certaines propositions faites par Emmanuel Macron pendant sa campagne », juge-t-il plutôt.
À la Fédération des médecins de France (FMF), l’idée ne déplaît pas mais « nous espérons que cette grande concertation embarquera tous les syndicats », indique la Dr Corinne Le Sauder, sa présidente. Au-delà d'un tour de table de plusieurs mois, c’est surtout des actes concrets qu’attend la FMF. « Des concertations il y en a eu plein, ce que l'on veut maintenant ce sont des faits, des actes », insiste la généraliste installée dans le Loiret. « Seule la médecine de ville pourra sauver l'hôpital, nous demandons donc des moyens pour la ville, avec une consultation au juste prix, qui permette d'avoir du personnel et prenne en compte l'inflation », détaille pragmatiquement la Dr Le Sauder.
« Nous sommes toujours optimistes »
Si les libéraux s’accordent sur l’impériosité « d’un meilleur dialogue », à l’instar de Philippe Vermersch, président du Syndicats des médecins libéraux (SML), la refonte du système de santé devra « s'appuyer sur la médecine de ville pour améliorer l'accès aux soins et venir en aide à l'hôpital ». Le SML se dit « prêt à participer à la conférence des parties prenantes », mais pose déjà ses exigences. « Il faut plutôt mettre des moyens sur les soins non programmés et la permanence des soins ambulatoire pour motiver les médecins à y participer. Si on continue sur la même lancée pendant encore cinq ans, les choses ne feront qu'empirer », indique Philippe Vermersch.
Echaudés, les syndicalistes se méfient un peu. « Ce qui compte à nos yeux, c'est une réforme en profondeur du système de santé, or les déclarations de l'entre-deux tours sur le salariat des médecins ou le tiers payant intégral ont de quoi nous inquiéter », abonde le Dr Franck Devulder, président de la CSMF. Du côté des jeunes, les carabins sont également en ordre de bataille pour participer au grand raout de la santé. « Nous serons évidemment parties prenantes et nous comptons reformuler nos propositions pour inclure les futurs soignants dans les territoires », réagit Alexis Loupan, président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). Les jeunes auront notamment à cœur de défendre leurs mesures « anti-coercition ». « Nous sommes toujours optimistes ! », sourit l’étudiant en médecine quant aux potentielles issues - encore incertaines - de la concertation.
Renouer le dialogue social
Les collectivités locales, que le président de la République a aussi promis d'inviter au bal, accueillent avec tiédeur la concertation. « En tant que maires ruraux, l’idée d’une concertation nous va très bien, mais nous serons très attentifs à ce que les mesures ne soient pas les mêmes de Lille à Marseille, il faut qu’elles tiennent compte de l’inégalité d’aménagement des territoires, au niveau départemental », commente Gilles Noël, membre du conseil d’administration de l’Association des maires ruraux (AMRF). Ce grand dialogue sera « nécessaire mais pas suffisant », juge encore le maire de Varzy dans la Nièvre. Pendant les concertations, les maires ruraux prévoient notamment de revendiquer « d’étendre la PDSA, via des tableaux de gardes en journée », anticipe Gilles Noël.
Très « mitigés » sur le bilan Macron, les hospitaliers attendent bien plus qu’une simple discussion et espèrent, eux aussi, des actes concrets. Membre du collectif interhôpitaux (CIH), la Dr Sophie Crozier met en garde : « il va falloir que le nouveau gouvernement prenne des engagements très forts pour la santé dans les prochains jours, notamment sur l’attractivité de l'hôpital avec des revalorisations salariales ». Au SNPHARE aussi on enjoint « de toute urgence à réanimer un dialogue social constructif » sur la situation de l'hôpital, espérant que les concertations ne seront pas « de façade ». Dimanche soir, Olivier Véran l’assurait en tout cas : « il n'y aura pas la continuité dans la façon de mener l'action publique ». En 2009, les Egos avaient accouché de la loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST), défendu par Roselyne Bachelot. Emmanuel Macron souhaite une traduction législative de cette « convention des parties prenantes » avant la fin de l'année.
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