Dans son rapport public 2020, la Cour des comptes juge sévèrement la prise en charge de l'insuffisance rénale chronique terminale (ICRT) et appelle de ses vœux une réforme globale.
Le stade terminal de la maladie rénale chronique concerne un nombre croissant de patients. Fin 2017, plus de 87 000 étaient traités pour IRCT (contre 73 500 en 2012). Le coût de prise en charge a atteint 4,18 milliards d'euros pour l'assurance-maladie, soit une croissance annuelle de 2,4 % depuis 2013.
Rentabilité élevée
Les magistrats constatent surtout que la croissance des dépenses reste dopée par la dialyse (séances, séjours, soins, transports, médicaments), à hauteur de 3,36 milliards soit 80 % des frais engagés pour 55 % des patients. Le nombre de patients dialysés a augmenté de 13 % depuis 2013 avec une prépondérance accrue des modes de dialyse les plus lourds – les trois quarts des malades étant suivis en centre ou en unités médicalisées, mais peu d'entre eux étant en autodialyse (15,8 %) et encore moins en dialyse à domicile (8 %) pourtant moins onéreuse et offrant une meilleure qualité de vie.
La rentabilité de l'activité de dialyse reste « anormalement élevée », tranchent les magistrats. Certes, depuis 2015, le tarif moyen des dialyses en centre a baissé de 10 % dans le privé lucratif et de 6,2 % dans le secteur public, afin de rapprocher les prix de ceux des unités de dialyse médicalisée (UDM). Mais, objecte la Cour, ces coups de rabot n'ont permis que des économies « limitées » entre 20 et 30 millions d'euros, sans remettre en cause les « rentes de situation » de cette activité. Dans les structures privées de dialyse à but lucratif, la rentabilité dépasse 15 % sur la période 2007-2016.
Consultations systématiques
Au passage, la rue Cambon s'attarde sur les revenus jugés « élevés » et dynamiques des néphrologues libéraux. « Pour 2017, le BNC moyen des 393 néphrologues affiliés à la CARMF, dont 95 % exercent en secteur 1 s'élevait en moyenne à 139 250 euros, peut-on lire. Quatrième montant le plus élevé après les spécialités de cancérologie, d’anesthésie-réanimation et d’ophtalmologie, il était supérieur au BNC moyen des spécialistes libéraux (111 161 euros) et a progressé de 11,8 % de 2013 à̀ 2017 ».
Mais surtout, le rapport épingle des pratiques « discutables » de facturation d'actes de consultation par « certains néphrologues libéraux ». Près de 90 millions d'euros d’honoraires ont été facturés en 2017 à la Sécu au titre du suivi des patients dialysés (soit 2,1 millions d’actes pour 1,7 million de séances). La Cour pointe une réglementation « imprécise », propice à̀ la facturation « systématique, d’une consultation à̀ l’occasion de toutes les séances de dialyse, qui ont lieu généralement trois fois par semaine ».
Forfait global dialyse
Plusieurs recommandations sont avancées. Outre le fait de favoriser l'accès à la greffe rénale (de fortes inégalités territoriales sont constatées), la Cour préconise un ménage tarifaire. Elle recommande « d'ici à 2023 au plus tard » de substituer aux différents forfaits de rémunération un « tarif unique par patient dialysé », majoré ou minoré en fonction de l'état du malade et des résultats des indicateurs de qualité des soins. Sans attendre cette réforme globale, il convient de « réduire significativement » dès 2021 les tarifs moyens des séances de dialyse en centre et en unités de dialyse médicalisée (de 10 % dans le privé et 5 % dans le public – soit 90 millions d'euros d'économies).
Toujours d'ici trois ans, elle préconise un premier palier national de 15 % de nouveaux patients dialysés à domicile, notamment à la faveur d'un nouveau référentiel de prise en charge. La formation initiale et continue des néphrologues pourrait être améliorée « afin de les initier à l’ensemble des modes de dialyse », indique la Cour.
Enfin, elle souhaite préciser la réglementation applicable aux actes et consultations des néphrologues libéraux afin « d’assainir, lorsqu’il y a lieu, les pratiques de facturation ».
[MAJ jeudi 27 février à 12 h 15]. Interrogé par « Le Quotidien », le Dr José Brasseur, président du Syndicat des néphrologues libéraux, réagit au rapport de la rue Cambon : « La Cour des comptes a, une fois de plus, une vision purement comptable. Le principe des vases communicants – plus de patients en dialyse à domicile, moins en centres – est une mauvaise idée. Ce ne sont pas les mêmes patients qui sont concernés ! Quant à la situation des néphrologues libéraux, elle est enjolivée. Ils sont les premiers arrivés et les derniers partis pour la dialyse, et s'occupent de l'ensemble du parcours patient. »
De son côté, la Fédération de l’hospitalisation privée (et sa branche FHP REIN) « s’étonne de la tonalité des propos de la Cour des Comptes qui stigmatise l’ensemble des structures privées de dialyse pourtant pleinement engagées dans l’évolution de la prise en charge de l’IRC ». « La Cour des Comptes dresse un portrait à charge de la dialyse privée qui ne tient pas compte de la qualité de prise en charge du patient et de la réalité de la situation médico-économique actuelle, rappelle Lamine Gharbi, président de la FHP. Ces déclarations n’intègrent pas l’importante réforme menée depuis 18 mois par le ministère pour faire évoluer la prise en charge de l’IRC avec tous les acteurs de santé. »
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