Après la parution de son livre « Hôpital : un chef-d’œuvre en péril » (Fayard), coécrit avec le journaliste Jean-Marie Godard, le Dr Mathias Wargon était ce mercredi l’invité du café Nile, à Paris. Occasion pour cet urgentiste au franc-parler, chef du service des urgences et du Smur de l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis (93), d'évoquer des pistes de réforme dans cette période très politique d'entre-deux-tours.
« Excédé » par le discours de certains syndicats ou chefs de service, se bornant à répéter « qu’il n’y a jamais assez de personnel, jamais assez d’argent », le Dr Wargon défend plutôt l'idée de « s’organiser autrement, de façon à avoir suffisamment de personnel pour faire bien », ce qui est pour lui la définition de l’efficience.
« Rebasculer » des activités vers la ville
Le cloisonnement du système de santé et le manque de coopération des acteurs du soin sont jugés préjudiciables. « Quand les patients sont à l’hôpital, on n’arrive pas à les faire sortir », diagnostique-t-il. La faute au « manque de lits d'aval, notamment pour les personnes âgées » et au « manque de prise en charge en aval », avec une « HAD trop lourde et trop peu réactive ».
C'est pourquoi il propose de « rebasculer » un certain nombre d’activités de l’hôpital public « vers la ville », à condition de faire des « investissements » conséquents en miroir. L’urgentiste hospitalier défend par exemple la revalorisation des infirmiers libéraux et de nouvelles délégations de tâches que des paramédicaux pourraient « faire aussi bien que les médecins ». Cela permettrait de « se partager le travail » tout en donnant à ces auxiliaires médicaux la possibilité « d’évoluer dans leur métier ». « Quand le Smur envoie des médecins, dans 70 % des cas, une équipe paramédicale aurait largement fait l'affaire », illustre-t-il.
Les médecins aux manettes
Côté gouvernance hospitalière, l’urgentiste milite pour un « binôme directeur/médecin » pour diriger les établissements de manière moins verticale. Et pour mettre fin à « la mainmise des directeurs », le Dr Mathias Wargon recommande, comme d'autres experts, l'autonomie accrue des médecins à l'échelle des services mais aussi des infirmiers qui doivent « pouvoir diriger un service ».
Pour l'urgentiste, si les soignants de terrain étaient responsables de la gestion financière de leur service et « des négociations avec le reste de l’hôpital », cela irait « beaucoup plus vite ». Et de filer la métaphore guerrière : « Quand vous êtes dans une tranchée et qu'une bombe tombe, si vous y êtes, vous n’avez pas d’autre choix que de réagir, plutôt que de donner des conseils au bord de la tranchée. »
Les cliniques, les élus, l'État : chacun en prend pour son grade
Celui qui est aussi président de l'observatoire régional des soins non programmés d'Île-de-France n'hésite pas régler quelques comptes avec les acteurs responsables à ses yeux des dysfonctionnements de notre système de santé.
Les élus locaux ? Quand ils participent aux conseils de surveillance des établissements, « ce n’est pas toujours dans une vision de service public ». La haute administration en santé ? La DGS, la DGOS ou Santé publique France ont été « extrêmement peu réactifs et assez absents durant la crise ». Les cliniques privées ? Certaines « n’ont pas joué le jeu » durant l’épidémie, rechignant à prendre en charge des patients, ou au contraire « reprenant leurs activités chirurgicales, alors que les hôpitaux publics ne pouvaient pas le faire », ceci afin de « leur piquer leurs patients ». Quant aux médecins libéraux, assène le Dr Wargon, certains « se sont barricadés chez eux et n’ont pas vu de patients » durant la crise.
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