Deux mécanismes incriminés
L’allergie à l’œuf est l’un des plus fréquentes chez le jeune enfant avec une évolution vers la guérison entre 5 et 10 ans. Le mécanisme immunologique le plus souvent incriminé est de nature immédiate IgE-dépendante. Les symptômes décrits sont l’apparition dans les minutes à quelques heures après l’ingestion, d’une urticaire, d’un œdème, de manifestations respiratoires et parfois de réaction anaphylactique. Moins connue, la réaction non IgE-dépendante retardée s’accompagne plutôt de poussées aiguës d’eczéma atopique ou de manifestations digestives comme l’œsophagite ou la gastro-entérite à éosinophiles.
Les différents allergènes
De nombreuses protéines contenues dans le blanc d’œuf sont connues pour être à l’origine de réactions allergiques. Certaines sont thermostables, d’autres thermosensibles ce qui peut expliquer, pour certains patients, la possibilité de manger de l’œuf cuit en fonction de l’allergène incriminé. L’ovomucoïde, allergène majeur principal ne voit pas son allergénicité modifiée par le chauffage ou la digestion ; les autres allergènes sont l’ovalbumine, l’ovotransférine et le lysozyme.
Sensibilisation ou allergie vraie
Le diagnostic : faire la différence entre sensibilisation et allergie vraie.
Le diagnostic d’une allergie à l’œuf repose sur la concordance entre une anamnèse et la positivité des tests cutanés en prick avec les extraits commerciaux disponibles ou l’aliment frais. La réalisation d’un test de provocation orale, à visée diagnostique, en milieu hospitalier spécialisé, est parfois nécessaire. Il faut impérativement différencier une sensibilisation (test cutané sans signe clinique associé) d’une allergie vraie afin d’éviter la mise en place d’un régime inadapté.
Le dosage des IgE-spécifiques par le biais de l’allergologie moléculaire permet, du fait de leur spécificité, de donner des informations précises : un dosage des IgE-spécifiques élevé à l’ovomucoïde est synonyme d’une allergie à l’œuf qu’il soit cru ou cuit.
La vaccination chez l’allergique à l’œuf
Depuis plusieurs décennies, le spectre d’une réaction systémique après une injection de vaccin contenant des protéines d’œuf planait sur tous les allergiques à l’œuf. Ce risque potentiel amenait les médecins à prendre essentiellement des précautions vis-à-vis des vaccins contre la rougeole, la rubéole, la grippe et la fièvre jaune. Les modalités de la vaccination étaient alors très encadrées : celle-ci devait être effectuée en milieu hospitalier après des tests cutanés et des injections parfois en cinq doses.
En 1998, des travaux et publications de J. M. James et coll., permettent de fixer à 1,2 µg d’ovalbumine par ml de vaccin la concentration permettant de diminuer significativement le risque de réaction allergique chez les allergiques vrais à l’œuf et d’envisager une injection en une dose. Actuellement, la plupart des vaccins antigrippaux comportent une concentration d’ovalbumine inférieure à ces 1,2 µg/ml.
En 2009, lors de l’épidémie de grippe H1N1, la crainte et les idées reçues vis-à-vis des vaccins ont été accentuées. La Société française d’allergologie a diffusé un communiqué de presse en décembre 2009 et fait le point à l’époque sur l’attitude à envisager. L’AAAAI (The American Academy of Allergy Asthma and Immunology) a préconisé cinq injections par vaccination chez les allergiques à l’œuf ; en 2010, elle est revenue sur ses recommandations et a autorisé la vaccination en une ou deux injections sans tests préalables chez les sujets allergiques à l’œuf.
Depuis août 2011, les recommandations (actuelles) aux États-Unis, édités par le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), signalent que selon des études récentes, la vaccination grippale peut être délivrée sans risque à toute personne ayant une allergie à l’œuf même avec des antécédents de choc anaphylactique.
Un changement d’attitude s’impose
Il est vrai que pour l’instant, les mentions légales retenues dans le Vidal, sèment le trouble par rapport aux données actuelles. L’allergie à l’œuf reste pour l’instant considérée comme une contre-indication.
Au vu des nouvelles études publiées, il est à espérer que les intitulés changent. Une étude récente, rétrospective, portant sur 150 allergiques à l’œuf ayant reçu un vaccin contre la grippe (22 % d’entre eux avaient des antécédents de choc anaphylactique à l’œuf) confirme la bonne tolérance de la vaccination. Chez les patients dont le prick au vaccin non dilué se révélait positif ou douteux, le schéma d’injection a été réalisé sous le protocole suivant : 10 % de la dose puis 90 % de la dose restante trente minutes plus tard ; 7 patients étaient concernés. Chez les autres, la vaccination a pu être réalisée sans incident en une seule dose. Les auteurs de l’étude ont remarqué que le taux en ovalbumine des vaccins utilisés dépassait la dose de 1,2 µg/ml.
Conclusion
L’allergologie est une spécialité en constante évolution ce qui était vrai hier ne l’est plus forcément aujourd’hui en raison d’une meilleure compréhension des mécanismes immunologiques et d’études rétrospectives et prospectives qui permettent de mieux appréhender les maladies allergiques. Les recommandations vis-à-vis des vaccins antigrippaux en sont un de nombreux exemples. Il est impératif de revoir dans sa pratique quotidienne les modalités de vaccination et de rassurer les patients qui pourraient ressentir une crainte non justifiée désormais.
Bibliographie :
- Vaccination et allergie à l’œuf, E. Bidat, Revue Française d’Allergologie, avril 2011, volume 51, Numéro 3, page 238-242.
- Jammes. J. M., et coll. Safe administration of influenza vaccine to patients with eg allergy. J. Pediatr.1998, 133, 624-628.
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