Pour rappel, l’article L 162-2 du code de la sécurité sociale (loi du 3 juillet 1971) stipule que « le respect de la liberté d’exercice et de l’indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, la liberté d’installation, et le paiement direct des honoraires par le malade ».
Un certain nombre de dérogations à ce dernier principe existent actuellement, appelées dispense d’avance des frais, qui concernent les familles modestes grâce à la couverture médicale universelle (CMU), l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS), l’aide médicale de l’état (AME), les victimes d’accident du travail et de maladie professionnelle, certains actes coûteux supérieurs à 120 euros, et les soins effectués dans les centres et établissements de santé publics. Au total, en 2012, 35 % des actes effectués en médecine libérale l’étaient en tiers payant (1). Enfin, grâce à la télétransmission, le délai moyen de remboursement n’est que de quelques jours.
Une barrière financière à l’accès aux soins médicaux ?
L’argument clé pour justifier cette généralisation du tiers payant est la lutte contre les difficultés d’accès aux soins. Répétée ad nauseum par les pouvoirs publics et la presse généraliste, l’assertion qui consiste à dire qu’il existe en France une barrière à l’accès aux soins médicaux pour des raisons financières est tout bonnement fausse !
Elle relève tout d’abord d’un amalgame qui est fait entre les soins médicaux d’une part, et les soins dentaires et d’optique d’autre part, dont la prise en charge est effectivement directement soumise à la cotisation d’une assurance complémentaire onéreuse. Elle fait fi de l’ensemble du système de dispense d’avance des frais cités plus haut, et du nombre important et croissant d’actes réalisés en tiers payant par les médecins libéraux. Elle fait surtout semblant d’ignorer que les déterminants du renoncement aux soins sont multiples et complexes (2), et qu’aujourd’hui, les principales analyses d’opinion notent que la première cause de difficulté à l’accès aux soins notamment spécialisés est le long délai d’attente pour des raisons démographiques et géographiques (3,4).
Sans oublier la barrière administrative, un fort pourcentage de patients éligibles à la CMU et à l’ACS renonçant à faire valoir leurs droits ou n’en étant pas informés.
De multiples raisons de refus
Outre ce désaccord sur le fond, il convient aussi d’évoquer d’autres explications au refus de la généralisation du tiers payant. La complexité administrative du dispositif, et son coût, en raison notamment de la multitude d’organismes complémentaires. Même si l’on nous promet que les difficultés techniques seront résolues, l’exemple des pharmaciens et des mesures techniques et humaines nécessaires à la gestion du tiers payant sont dissuasives pour un cabinet médical.
Nous n’insisterons pas sur le risque, discuté et polémique, de déresponsabilisation du patient et de ses conséquences potentiellement inflationnistes, étant d’accord pour dire que la « consommation » de soin est a priori subie. Cependant, il est intéressant de noter que cette question est soulevée par l’IGAS dans son rapport de 2013, évoquant la nécessité de « ménager l’existence d’un dispositif permettant au patient de connaître les frais qu’il suscite »…
Quant aux comparaisons internationales, il est tout simplement faux de dire que l’ensemble des pays occidentaux ont recours au tiers payant généralisé. Quand on regarde de plus près, on s’aperçoit qu’il n’est souvent que partiel ou uniquement en structure public. Lorsqu’il est vraiment généralisé, il s’agit de systèmes totalement étatisés tel que le Royaume-Uni, où le médecin est salarié et le patient n’a plus la liberté de choix… Et c’est bien la principale crainte des médecins libéraux : tomber sous un régime de subordination complète aux payeurs, et perdre l’un des fondements de la médecine libérale.
Rendre obligatoire le tiers payant est un leurre, un étendard politique qui ne résoudra en rien les difficultés de nos concitoyens à l’accès aux soins. Si dans un pays comme le nôtre, qui peut s’honorer d’un des plus bas taux de reste à charge de l’OCDE (5) avec un fort investissement de la collectivité (9 % du PIB) et une couverture des assurances complémentaires qui dépasse 90 % de la population, on considère qu’il existe encore une barrière financière à l’accès aux soins… des questions doivent certes se poser, mais la solution n’est pas dans la généralisation du tiers payant.
Secrétaire Général du Synmad
(1) Selon l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et le centre national de l’Assurance-maladie (CNAM)
(2) Publications de 2011 de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES)
(3) Étude IFOP pour jalma 2011
(4) Études des Unions régionales des professionnels de santé (URPS) île-de-France et Languedoc
(5) DREES comptes de la santé 2015
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