LE QUOTIDIEN : L'Institut du cancer (INCa) en association avec le Collège de médecine générale (CMG) et à l'Assurance maladie a publié en mars deux nouveaux guides pour mettre un frein à la pratique généralisée du dépistage du cancer de la prostate par les PSA. L'Association française d'urologie (AFU) ne s'est pas associée à la campagne. Pourquoi ?
Pr THIERRY LEBRET : Les autorités sanitaires ne prennent pas le problème par le bon bout. C'est à l'unanimité que l'AFU a voté contre le document proposé par l'INCa. Le message est brouillé. Personne n'y comprend plus rien. Les radiologues, l'Académie nationale de médecine et l'Académie de Chirurgie sont du même avis que nous.
Aujourd'hui en France, il y a 10 000 morts par cancer de la prostate par an. Tous les pays qui utilisent les PSA ont vu baisser la mortalité liée à ce cancer. Si on veut encore faire diminuer le nombre de morts, il faut non seulement maintenir le dépistage mais aller plus loin dans le diagnostic précoce. Le seul moyen d'y arriver est de proposer un dosage des PSA entre 50 et 75 ans.
Pourquoi défendre un diagnostic précoce alors que le cancer de la prostate reste peu évolutif dans un grand nombre de cas ? Le Pr Pierre Louis Druais du CMG insiste sur l'importance de préserver la qualité de vie des patients. N'est-ce pas un argument à entendre ?
Un diagnostic précoce permet de gagner en quantité de vie mais aussi en qualité de vie. Si l'on attend que les patients soient symptomatiques pour faire le diagnostic, on arrive trop tard, on ne peut plus guérir, on ne fait que ralentir la maladie. Quand les patients sont symptomatiques, il s'agit le plus souvent de métastases avec une qualité de vie très mauvaise.
En Russie où les PSA ne sont pas utilisés, plus de 60 % des cancers de la prostate sont diagnostiqués au stade métastatique. En France, c'est 10-15 % des cancers qui sont découverts à ce stade. On se bat pour la qualité de vie. Au-delà de 75 ans, le risque de cancer évolutif devient très faible, et il nous semble alors justifié de ralentir le dépistage.
L'INCa avance que le dépistage généralisé expose aux risques de surdiagnostic et de surtraitement avec des effets secondaires qui peuvent peser lourdement sur la qualité de vie. Que répondez-vous ?
Ce sont deux écueils à éviter mais on dispose de nouveaux outils pour s'en prémunir. Pour le risque de surdiagnostic, les PSA, certes ne sont pas un marqueur idéal, mais restent un excellent marqueur quand même. Élevés, ils signent que quelque chose se passe dans la prostate. Compte tenu des faux positifs, leur interprétation doit être réfléchie et doit conduire à pratiquer un toucher rectal (TR). Aujourd'hui il y a la possibilité d'utiliser l'IRM pour analyser le tissu prostatique, ce qui n'était pas possible il y a encore 3 ans.
Pour le risque de surtraitement, ce n'est pas parce qu'il y a un cancer de la prostate qu'on va le traiter. C'est l'enjeu de la surveillance active. Il existe toute une mosaïque de cancers de la prostate, plus ou moins agressifs, que l'on arrive de mieux en mieux à caractériser sur les biopsies à l'aide de la biologie moléculaire. Certains cancers méritent seulement d'être surveillés.
Une surveillance active aussi peut générer de l'anxiété et peser sur la qualité de vie, non ?
Cette stratégie peut poser des problèmes de compliance et d'anxiété. La première chose lors du dépistage est de demander au patient s'il veut savoir ou pas. Certains patients préfèrent ne pas savoir, il faut le respecter. D'autres font l'autruche mais en étant aussi angoissés. Ne vaut-il pas mieux alors en avoir le cœur net ?
Du côté des associations de patients ayant un cancer de la prostate, elles sont à fond pour le dépistage. Les patients concernés expriment le regret que le diagnostic n'ait pas été fait plus tôt.
La HAS ne recommande pas non plus de cibler le dépistage à des groupes à risque. L'AFU se prononce en faveur d'un dépistage très large mais définit dans le même temps des groupes à risques. Que faut-il en retenir ?
La position de l'AFU est de recommander dans les groupes à risque un dépistage plus tôt, dès l'âge de 45 ans, en particulier en cas d'antécédents dans la fratrie ou d'origine antillaise ou afro-cubaine. Dans ces régions du monde, l'exposition à la chlordécone, ce pesticide longtemps utilisé dans les bananeraies, s'ajoute à un risque génétique majoré. L'incidence du cancer de la prostate est en train d'exploser aux Antilles, et ce pour des grades avancés.
54 % des médecins femmes ont été victimes de violences sexistes et sexuelles, selon une enquête de l’Ordre
Installation : quand un cabinet éphémère séduit les jeunes praticiens
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier