Onze sociétés savantes, syndicats de professionnels de santé, et association de patients* ont lancé ce 24 octobre un appel à donner un nouvel essor à la lutte contre la douleur, lors du 1er forum contre la douleur organisé au ministère de la Santé.
Si la France a connu trois plans de lutte contre la douleur (1998-2000, 2002-2005 et 2006-2010, dont le bilan fut très critique), sa prise en charge est aujourd'hui à la peine, a déploré le Pr Serge Perrot, président de la société française d'étude et de traitement de la douleur (SFETD), coorganisatrice du forum et auteure d'un livre blanc en 2017. « La douleur est pourtant partout : c'est un symptôme non traité ; c'est une maladie qui impose une prise en charge globale ; et c'est un facteur de risque dans certaines pathologies, comme le diabète », décrit-il. Quelque 12 millions de Français souffrent de douleur chronique modérée à sévère. Elle est le 1er motif de consultation aux urgences (où 60 % des patients ressentent une douleur aiguë) et chez le médecin généraliste.
Pourtant, l'errance diagnostique reste très longue (les patients mettent en moyenne 5 ans après le début de leurs maux à arriver dans une structure spécialisée dans la douleur chronique - SDC) ; et la situation pourrait s'aggraver puisque le manque de médecins spécialistes ou leur départ à la retraite risquent d'entraîner la fermeture de 16 SDC sur 273 d'ici à 2025, a rappelé l'Académie de médecine le 15 octobre dernier.
Manque de reconnaissance, de financement et de communication
Pourquoi une telle situation ? Si les types de douleurs sont différents, elles ont en commun d'être mal connues et reconnues. Cela vaut du côté des patients, mais également des médecins, dont la formation sur la douleur représente 20 heures dans tout le 2e cycle d'étude médicale, selon la SFETD. « La lombalgie et l'arthrose semblent bien moins nobles aux yeux des étudiants que l'infarctus ou le cancer du sein », résume le Pr François Rannou, secrétaire scientifique de la Société française de médecine physique et de réadaptation. Alors que la douleur post-opératoire est la 3e cause de consultation de douleur chronique, les chirurgiens peinent à prendre en compte le phénomène et donc à le prévenir, reconnaît de son côté le Pr Francis Bonnet, de la société française d'anesthésie et de réanimation.
La communication entre les professionnels fait aussi défaut. « Les médecins de la douleur ont un problème de reconnaissance », assure le Pr Perrot. Selon le président de la SFETD, ce sont les patients qui sollicitent une orientation en SDC, et non les généralistes, qui n'y pensent pas. Ou déplorent de trop longs délais.
Enfin, le manque de financement de prises en charge forcément pluriprofessionnelles est un obstacle majeur au traitement de la douleur. « Une structure ne fonctionne que si elle rapporte de l'argent. La prothèse de hanche est bien rémunérée, mais l'écoute, non ! Or c'est le dialogue entre le médecin et le patient qui est gage de réussite d'une pose de prothèse, pour que le patient ne soit pas déçu des limitations qui risquent d'être les siennes », dénonce le Pr Rannou. « Les centres de la douleur pluridisciplinaires voient rarement arriver jusqu'à eux les financements des Missions d'intérêt général et de l'aide à la contractualisation (MIGAC) », corrobore le Pr Francis Bonnet.
Des actions concrètes pour structurer le parcours de soins
Le plaidoyer signé des 11 organisations propose cinq séries de mesures pour consolider le parcours de soins, à commencer par la formation de tous les professionnels de santé à la prise en charge de la douleur (la médecine de la douleur est devenue une discipline universitaire depuis mars 2018), la valorisation des consultations douleur, le renforcement des réseaux de soins et structures spécialisées, et de la coordination ville-hôpital.
Les actions de prévention doivent se déployer dans les situations susceptibles d'être sources de douleur : la chirurgie, le handicap, ou le polyhandicap, mais aussi le monde du travail. La recherche doit être développée pour mieux comprendre les mécanismes de la douleur et renforcer la prise en charge.
Pour impliquer les patients, les signataires proposent de systématiser le recours aux outils d'évaluation de la douleur, notamment pour les personnes handicapées, et de renforcer l'éducation thérapeutique en étant vigilant sur le risque de mésusage des antalgiques.
Enfin, ils demandent l'inscription de la douleur comme une priorité de santé publique dans le plan ministériel « Ma santé 2 022 ».
* Société française d'anesthésie et réanimation (SFAR), Société française d'études et de traitement de la douleur (SFETD), Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG), Société française de médecine d'urgence (SFMU), Société française de rhumatologie (SFR), Société française de médecine physique et de réadaptation (SOFMER), CSFM, Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, Association française de lutte antirhumatismale, Association francophone pour vaincre les douleurs et Fibromyalgie France.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes