Protocole sanitaire renforcé et tests salivaires dans les écoles : sur le terrain, le sentiment d’un « décalage » avec la dynamique épidémique

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Publié le 30/03/2021

Crédit photo : AFP

Face à l’augmentation des cas détectés dans les établissements scolaires, chez les élèves* comme les personnels, un protocole sanitaire renforcé a été instauré. Depuis le 29 mars, l’apparition d’un cas de Covid-19 dans une classe entraîne sa fermeture dans les 19 départements « reconfinés », contre trois cas dans le reste du pays.

« Cela va nécessairement signifier plus de fermetures dans les prochains jours », indiquait le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, le 26 mars, alors que 3 256 classes (tous niveaux confondus) étaient déjà fermées la semaine dernière.

Chez les enseignants, la mesure est jugée « tardive mais nécessaire », selon Stéphane Crochet, secrétaire général du syndicat d’enseignants SE UNSA. La situation, « très tendue », désorganise de nombreux établissements, avec notamment, dans le premier degré, des enseignants positifs ou cas contacts qui ne sont pas remplacés.

« Il vaut mieux fermer une classe avec une durée limitée et la perspective d’un retour plutôt qu’un maintien coûte que coûte très difficile à réaliser », explique l’enseignant. Selon lui, la mesure aurait dû être appliquée au-delà des 19 départements, « là où le niveau de l’épidémie n’est pas encore très élevé, mais où la pression est assez forte ».

Des tests mieux acceptés, mais des délais trop longs

Un même sentiment de « décalage avec la réalité épidémique » est partagé concernant le déploiement des campagnes de dépistage dans les établissements. Ces opérations devaient être facilitées par l’arrivée des tests PCR salivaires, mieux acceptés par les élèves et les familles. En février, la Haute Autorité de santé (HAS) a en effet validé leur utilisation, notamment dans le cadre d’opération de dépistage groupé.

« Leur très bonne acceptabilité et leur bon niveau de performance sont particulièrement adaptés à ce type de dépistage, et en particulier à leur répétition », estimait alors la Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS. Ces dépistages sont utiles « dans les endroits où l’on pense que la prévalence est supérieure » à la situation nationale, poursuivait-elle.

Dans la foulée de l’avis de la HAS, Jean-Michel Blanquer promettait la réalisation de 300 000 tests par semaine dans les établissements scolaires de métropole, avec une priorité pour le premier degré, les prélèvements nasopharyngés étant plus facilement réalisables chez les élèves de collège et de lycée. De fait, le taux d’acceptation des tests est passé de « 15 % à 25 % » selon les territoires, voire à près de 80 %, indique-t-on au ministère de l’Éducation nationale.

Depuis l’introduction des tests salivaires, les opérations de tests visent deux objectifs. Le suivi épidémique, d’abord, à travers des dépistages itératifs d’un panel d’établissements représentatifs de la diversité des situations (en REP +, en centres-villes, en zone rurale, etc.). Un dépistage est ainsi organisé tous les 15 jours dans 10 établissements par académie, explique le ministère de l’Éducation nationale. Le contrôle des clusters, ensuite, avec des opérations déployées selon la circulation virale locale.

Un dispositif jugé insuffisant

Ces campagnes sont lancées en concertation entre les Agences régionales de Santé (ARS) et les rectorats d’académie. À Paris, les décisions sont prises « au jour le jour », selon les « nouvelles priorisations exigées par la situation épidémique locale », indique-t-on au sein du rectorat : l’apparition de cas groupés, une prévalence qui explose sur un secteur, la fréquence d’apparition des cas, ou même une recherche de contacts qui révèle un faible respect des gestes barrières.

Une fois la décision prise de cibler un établissement, ce dernier est mis en relation avec un laboratoire d’analyses médicales chargé d’apporter le matériel nécessaire dans l’établissement et de recueillir le consentement des familles. Les prélèvements sont encadrés par des personnels médicaux volontaires de l’Éducation nationale. Cette mécanique logistique et administrative « donne vite des délais de deux à trois jours, voire plus s’il y a un week-end, entre la décision d’une campagne de dépistage et sa réalisation. On a vraiment l’impression d’arriver tard », regrette Stéphane Crochet.

Surtout, l’enseignant craint un débordement du dispositif. « Cette organisation fonctionnait bien jusqu’à présent, observe Stéphane Crochet. Mais depuis trois semaines, l’épidémie est très présente et les capacités de tests semblent insuffisantes ». Sur les 300 000 tests hebdomadaires proposés, seulement un peu plus de 200 000 sont effectivement réalisés chaque semaine, déplore l’enseignant, qui ressent « une vraie bascule depuis quelques jours ».

Le responsable syndical estime que l’inquiétude est généralisée parmi le corps enseignant, tant face à la situation épidémique que face à la crainte d’une fermeture des établissements. « Il existe une forme de traumatisme chez les enseignants de la fermeture de l’an dernier, témoigne-t-il. Le branle-bas de combat dans l’urgence a été très mal vécu l’an dernier et on ne se sent pas plus prêt cette année ».

La crainte d’une fermeture des établissements scolaires a également poussé les pédiatres à réitérer leur appel à n’envisager cette option qu’en dernier recours, « quand toutes les autres ont échoué ». Des responsables politiques réclament pourtant de telles fermetures, à l’instar du député de Seine-Saint-Denis Jean-Christophe Lagarde (UDI) qui a demandé à Emmanuel Macron la fermeture « immédiate » des établissements de son département où la prévalence est la plus forte du pays.

*Le taux d'incidence chez les moins de 14 ans a augmenté de 31% du 15 au 21 mars (par rapport à la semaine précédente), selon les dernières données de Santé publique France.


Source : lequotidiendumedecin.fr