Onze ans après le vote de la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST), un décret publié ce dimanche 4 octobre au « Journal officiel » inscrit dans le marbre une mesure controversée de la loi portée en 2009 par Roselyne Bachelot. Son objectif : sanctionner les professionnels de santé (relevant d'un Ordre) en cas de refus de soins « discriminatoires » et ou de dépassements d'honoraires « abusifs et illégaux ». Cette décision s'applique aux plaintes enregistrées dans « plus de trois mois », c’est-à-dire à partir du 5 janvier 2021.
Exit la discrimination pour refus de tiers payant
De quoi parle-t-on ? Les refus de soins « discriminatoires » regroupent « toute pratique tendant à empêcher ou dissuader une personne d'accéder à des mesures de prévention ou de soins, par quelque procédé que ce soit et notamment par des obstacles mis à l'accès effectif au professionnel de santé ou au bénéfice des conditions normales de prise en charge financière des actes, prestations et produits de santé ».
Définis par la loi, les motifs de discrimination sont nombreux. Il s'agit de toute distinction opérée entre les personnes physiques/morales « sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique […], de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d'autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée ». Il s'agit également de refuser d'accorder des soins au motif que le patient bénéficie d'une protection complémentaire en santé (comme la CMU-C et l'ACS, remplacés en 2019 par la complémentaire santé solidaire) ou de l'aide médicale d'État (AME).
En juin, le projet de décret initial évoquait plus largement les refus de soins « illégitimes » comprenant « l'orientation répétée ou abusive sans justification médicale » d'un médecin vers un confrère/établissement, la fixation d'un délai de rendez-vous « manifestement excessif » ou encore le « refus d'appliquer le tiers payant ». Explosifs, ces points ont été retirés du texte.
Un autre volet du décret est consacré aux dépassements d'honoraires abusifs ou illégaux, dès lors qu'ils excèdent le tact et la mesure ou ne respectent pas l'obligation de tarifs opposables pour les patients précaires précités. « Le respect du tact et de la mesure s'apprécie notamment […] au regard de la prise en compte dans la fixation des honoraires de la complexité de l'acte réalisé et du temps consacré, du service rendu au patient, de la notoriété du praticien, du pourcentage d'actes avec dépassement ou du montant moyen de dépassement pratiqués, pour une activité comparable, par les professionnels de santé exerçant dans le même département ou dans la même région administrative », lit-on.
Des commissions de conciliation
Le décret acte la création de commissions mixtes de conciliation spécifiques à chaque profession de santé. Celle relative aux médecins est composée de représentants de la caisse locale et du conseil départemental de l'Ordre.
La procédure de plainte est la suivante : un patient s'estimant victime d'un refus de soins discriminatoire de la part d'un médecin peut déposer une plainte auprès de sa CPAM ou de l'Ordre local, qui ont huit jours pour accuser réception et informer le praticien mis en cause (ce dernier pouvant être convoqué sous un mois). Une séance de conciliation est organisée par la commission mixte dans les trois mois suivant la réception de la plainte.
En cas de non-conciliation, le président de l'Ordre départemental transmet un avis motivé sur la plainte à la chambre disciplinaire de première instance dans un délai de trois mois.
Sanctions différenciées
Refus de soins discriminatoires ainsi que dépassements abusifs ou illégaux font l'objet de sanctions différentes. Dans le premier cas (refus de soins), le médecin s'expose à une amende d'un « montant maximum égal à deux fois le plafond mensuel de Sécurité sociale », c'est-à-dire 6 856 euros à ce jour.
Le médecin trop gourmand sur le plan tarifaire (dépassements excédant le tact et mesure ou dépassements non conformes au cadre conventionnel du praticien) se verra quant à lui taxé d'une pénalité financière de « deux fois le montant des dépassements facturés ».
En cas de récidive (dans un délai de six ans pour un refus de soins et de trois ans pour un dépassement abusif), la loi prévoit « le retrait du droit à dépassement pour une durée maximum de trois ans » et « la suspension de la participation au financement des cotisations sociales », également pour trois ans maximum. Dernier point, et non des moindres : la CPAM peut décider d'afficher la sanction imposée au médecin dans son hall d'accueil du public pour une durée comprise entre un et trois mois.
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