Face à la pénurie médicale, un collectif d'usagers de la Manche s'improvise démographe. À partir du samedi 11 janvier, l'Association citoyenne de défense du centre hospitalier public du Cotentin et de la promotion de la santé va recenser les patients sans médecin traitant du territoire de Valognes, une commune d'environ 7 000 habitants située une vingtaine de kilomètres au sud de Cherbourg.
Sur les trois dernières années, pas moins de sept médecins ont arrêté d'exercer, s'inquiète Rémi Besselièvre, président de l'association. Deux d'entre eux sont partis à la retraite au 31 décembre 2019. « Tous nos médecins sont surchargés, il manque au moins quatre généralistes à temps plein juste sur la ville de Valognes », estime le Normand de 63 ans.
Pour alerter les pouvoirs publics sur la situation, l'association inaugurera donc ce samedi, en présence des élus locaux, une permanence en centre-ville, dans laquelle les habitants du territoire dépourvus de médecin traitant seront invités à se faire recenser. L'idée est originale : éditer une fiche pour chaque patient afin de savoir « où ils habitent, leur âge, le nombre de visites ou de consultations qu'ils ont par an ou encore le nombre de prélèvement sanguins », détaille celui qui est aussi infirmier libéral. « Nous voulons mesurer, sur le terrain, la réalité du manque mais aussi celle des besoins à venir », résume-t-il.
Pour l'instant, l'infirmier estime à 2 500 le nombre de personnes sans médecin traitant sur le territoire, « dont 400 ont besoin d'être visités et autant, pour des raisons culturelles, intellectuelles ou psychiatriques sont dans l'incapacité de faire la démarche d'aller chercher un autre médecin ».
Faire pression
Une cinquantaine de bénévoles de l'association se relaiera pendant six mois, à raison de six jours par semaine, pour tenir la permanence. Une ligne téléphonique et une adresse e-mail vont être ouvertes afin d'atteindre les personnes les plus isolées. Tout au long des six mois, un point régulier sera communiqué aux élus locaux, à l'agence régionale de santé (ARS), à l'Assurance-maladie ainsi qu'à la Mutualité sociale agricole (MSA). À terme, l'association veut « faire pression » sur le préfet pour qu'il prenne « des mesures d'autorité ».
En attendant, l'association milite pour l'ouverture d'une consultation externe de médecine générale à l'hôpital Simone-Veil de Valognes. Elle demande aussi l'extension de la zone de patientèle du centre de santé de Cherbourg qui va ouvrir ses portes en février.
5,4 millions de patients concernés en France
Selon le directeur général de l'Assurance-maladie, interrogé par « le Généraliste », quelque 5,4 millions de patients en France ne disposaient pas de médecin traitant en 2019, malgré une recherche active pour plus de la moitié d'entre eux. « Il y a toujours eu, au cours des dernières années, environ 10 % de patients sans médecin traitant », rappelle le patron de la CNAM.
« Parmi eux, une part de patients plutôt jeunes et bien portants n'ont pas cherché à en trouver un », mais « plus de la moitié de nos concitoyens sans médecin traitant sont en recherche réelle d'un praticien attitré, faute souvent d'avoir pu en retrouver un au moment du départ à la retraite de leur généraliste », explique-t-il.
« Nous sommes très attentifs à cette situation. D'autant que parmi les personnes concernées figure un nombre significatif de patients en affection longue durée, de plus de 70 ans ou souffrant d'une pathologie chronique », souligne le haut fonctionnaire. « Si nous ne faisons rien, cette tendance va s'accroître inéluctablement dans les prochaines années », prévient-il, appelant à une organisation collective.
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