Dr Joseph Monsonego*
LE VACCIN HPV quadrivalent vient d’être mis en cause à la suite d’une plainte d’une jeune patiente qui a développé une sclérose en plaques après avoir été vaccinée. Alors qu’une littérature scientifique abondante, robuste et validée, indique que la vaccination HPV est sûre et efficace, le déferlement médiatique qui a suivi, alors que grandit la défiance face aux médicaments et aux vaccins en général, n’a pas manqué de soulever, interrogations inquiétudes, et doutes.
Nous avons connu en 2011 une situation semblable qui s’est rapidement dissipée par la mobilisation des professionnels et l’intervention des autorités de santé dont l’argumentation médico-scientifique sur le bénéfice/risque a plaidé en faveur de la vaccination.
Malgré un dépistage, largement répandu, le cancer du col utérin demeure un problème majeur de santé publique en France et dans le monde. Ces cancers sont induits par des papillomavirus oncogènes dont les types 16 et 18 causent ¾ de ces tumeurs. Avec plus de 3 000 cas et environ 1 000 décès par an, la maladie ne faiblit pas depuis une dizaine d’années. Cancer de la femme jeune, le premier pic d’incidence se situe vers la quarantaine, il est en 7e position des cancers de la femme dans notre pays, en 1re position des cancers de la femme avant 40 ans et en 4e position en nombre d’années de vie perdues du fait du jeune âge des personnes concernées. Les précancers causés par ces mêmes papillomavirus sont 10 fois plus fréquents, on estime à environ 30 000 cas par an le nombre de pathologies précancéreuses du col utérin, détecté à la suite du dépistage. Le coût total annuel de la prise en charge des cancers associés aux HPV en France est estimé à 240 millions d’euros. Par ailleurs, l’implication des papillomavirus, en particulier le type 16, dans l’histoire naturelle des cancers anaux et de l’oropharynx, notamment chez l’homme, est bien établie.
Littérature scientifique abondante.
Une abondante littérature scientifique portant sur l’efficacité et le profil de sécurité de la vaccination HPV, et tout particulièrement du vaccin quadrivalent, est disponible dans les revues scientifiques internationales les plus prestigieuses avec comité de lecture. Dans les essais cliniques randomisés, en double aveugle contre placébo, portant sur plus de 40 000 patientes, sur un vaste échantillon de jeunes femmes de 15 à 25 ans, l’efficacité est proche de 100 % vis-à-vis des lésions précancéreuses associées aux types viraux du vaccin et d’environ 60 % pour l’ensemble des lésions précancéreuses lorsque l’on cible les jeunes qui n’ont pas rencontré les virus des vaccins. Dans les mêmes essais cliniques, une surveillance rigoureuse des événements indésirables, observés après la vaccination, a pu être analysée méthodiquement. En dehors des effets classiques (rougeur au point d’injection, fébricule), on n’observe pas dans la population vaccinée d’événements indésirables graves qui soient plus fréquents que ceux rapportés dans la population générale. Du fait d’une prévalence très faible de ces pathologies, l’analyse des événements graves ne peut être correctement mesurée au cours des essais cliniques.
125 millions de doses distribuées.
C’est donc en vraie vie, où des millions de doses sont distribuées, et par le recueil des données de la pharmacovigilance, que l’analyse des événements indésirables, prend toute son importance. Depuis le lancement du vaccin quadrivalent, il y a 10 ans, on estime à 125 millions le nombre de doses distribuées dans le monde. 5 millions de doses ont été distribuées en France depuis la mise sur le marché du produit il y a 7 ans et 2,5 millions de jeunes filles ont été vaccinées. Les dispositifs de pharmacovigilance ne révèlent pas de signal spécifique concernant les maladies auto-immunes ou neurologiques dans la population vaccinée. Le faible nombre de maladies auto-immunes rapporté chez les jeunes filles vaccinées n’est pas différent de celui attendu dans cette classe d’âge.
Ceci est parfaitement bien répertorié dans les pays qui ont mis en place un vaste programme de vaccination HPV avec une couverture dépassant les 80 % de la population jeune. C’est le cas du Royaume-Uni, de l’Australie, du Portugal et du Canada. Il faut rappeler qu’après l’administration de vaccin contenant un simple placebo des manifestations de même nature sont observées. Conformément aux déclarations des agences de surveillance mondiales (EMA-CDC-OMS) et à la dernière publication de l’Afssaps en juillet 2011 du plan de gestion de risque numéro 3, des événements de nature neurologique ou manifestations auto-immunes ont été répertoriés. Le taux respectif de ces pathologies très rares, estimé à 0,2/100 000 doses distribuées, n’est pas plus élevé que dans la population générale de cet âge. Partout les études indiquent, comme en France, qu’il n’y a pas de surrisque de développer une sclérose en plaques dans la population vaccinée comparée à la population générale. Il est important de comprendre qu’au fur et à mesure que la couverture vaccinale augmente, en particulier pour la population cible âgée de 10 à 20 ans, certains événements, parfois graves dits incidents, vont être constatés. Cela ne signifie pas que les symptômes ou la maladie sont causés par le vaccin. La démonstration scientifique n’a donc jamais été établie en population, que ce soit pour le déclenchement d’une pathologie auto-immune chez un sujet sain, ou même la poussée d’une maladie préexistante chez un sujet atteint. Peut-on imaginer un instant que la vaccination HPV puisse réduire la fréquence de ces maladies susceptibles d’apparaître dans la population cible vaccinée ? Les agences de santé qui poursuivent une surveillance des événements post-vaccinaux continuent d’affirmer l’absence de lien de causalité entre ces événements et la vaccination et de soutenir que le bénéfice/risque en population est favorable à la vaccination. L’émergence de rares cas sérieux ou graves concomitants est étroitement liée à l’augmentation de la couverture vaccinale souhaitée pour observer un effet sur la santé publique.
Des alarmes médiatiques regrettables.
Ce type de polémique n’est pas un sujet dans beaucoup de pays où les programmes vaccinaux sont introduits sous forme de programmes scolaires avec une couverture vaccinale dépassant les 80 %.
On ne peut ainsi que déplorer les alarmes médiatiques sur les risques du vaccin HPV. Pour être efficace, un vaccin doit induire une réponse immunitaire protectrice contre l’agent infectieux. Cette induction nécessite l’introduction conjointe de substances appelées adjuvants, elles interviennent en stimulant l’immunité. Le risque de l’induction d’une maladie auto-immune par les adjuvants, comme la sclérose en plaques ou les maladies démyélinisantes n’a jamais été prouvé.
Comme pour l’hépatite B, la France fait les frais d’une campagne de dénigrement infondée de nature à créer une inquiétude et une suspicion autour des vaccins, qui ne manquera pas de porter une atteinte grave sur la protection sanitaire. Nous appelons les médias à plus de responsabilité dans le traitement d’informations sensibles, et à engager des investigations sérieuses et complètes, en gardant à l’esprit que la perte de confiance et la démobilisation du public ne manqueront pas d’impacter la santé publique dans notre pays et cela sans ignorer le bénéfice des stratégies préventives. À un moment où les femmes attendent d’être rassurées et bien informées, où sont passées nos autorités de santé ?
Références :
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Afssaps (http://www.afssaps.fr/var/afssaps_site/storage/original/application/dd7…)
2-Slade BA, Leidel L, Vellozzi C, Woo EJ, Hua W, Sutherland A, Izurieta HS, Ball R, Miller N, Braun MM, Markowitz LE, Iskander J.
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Postlicensure safety surveillance for quadrivalent human papillomavirus recombinant vaccine
3-Meeting of the Immunization Strategic Advisory Group of Experts, November 2008 – conclusions and recommendations.
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4-Human papillomavirus (HPV) vaccine post-licensure monitoring and implementation activities centers for disease control and prevention.
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Available at http://www.cdc.gov/std/hpv/HPV-monitoring-plan-10-06-2008.pdf
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Human papillomavirus immunization in adolescent and young adults : a cohort study to illustrate what events might be mistaken for adverse reactions.
6-Adverse Effects of Vaccines :Evidence and Causality
www.iom.edu/vaccineadverseeffects
7-Avis du CTV et du CSHPF du 9 mars 2007 relatif à la vaccination contre les papillomavirus humains 6, 11, 16, 18
8-Bonhoeffer J, Heininger U.
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Adverse events following immunization: perception and evidence
9-Fiche avant-projet de l’Agence européenne des médicaments (EMEA) pour une directive sur le pilotage de la pharmacovigilance des vaccins : http://www.emea.europa.eu/pdfs/human/phvwp/37200405en.pdf
10-Afssaps : bilan du plan de gestion des risques européen et national pour Gardasil® http://www.afssaps.fr
11-Afssaps - Commission de pharmacovigilance -Compte rendu de la réunion du mardi 22 novembre 2011 http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/2f473a1…
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