L’éditorial du numéro 44 (mai-juin 2016) du bulletin de l’Ordre national des médecins est rédigé par le Dr Patrick Bouet, président du conseil national de l’Ordre, qui s’inquiète de la progression des « déserts médicaux » et envisage des mesures pour y remédier.
Après concertation avec des experts et des médecins, le CNOM réaffirme « son opposition à des mesures coercitives » mais considère que « penser que seules des mesures incitatives amènent des jeunes médecins dans ces territoires (défavorisés) est toujours aussi vain » ; Aussi préconise-t-il « une structuration territoriale simplifiée et efficiente, une gouvernance réellement partagée, un exercice médical profondément revisité, une formation initiale et continue améliorée ».
Vaste programme, pourrait-on dire. Et l’on pourrait aussi ajouter « vague » programme, si l’on avait le mauvais esprit de s’interroger sur ce que des mots tels que « simplifiée » « efficiente », « réellement partagé » « profondément revisité » peuvent au juste signifier. Mais la rédaction d’un éditorial est un exercice difficile, et il serait bien outrecuidant de critiquer un texte concernant un problème aussi complexe que celui des déserts médicaux. Là n’est pas l’essentiel de notre propos.
L'essentiel de notre propos, c’est que nous avons été surpris, pour ne pas dire choqué, que dans ce même numéro où il est question des déserts médicaux, pour la dernière page, consacrée comme c'est l'usage au parcours d’un confrère, ce soit le Dr Pierre C. qui ait été choisi. Le Dr Pierre C. est un homme heureux, et d'ailleurs la photo illustrant l’article le montre bien, qui le représente élégant et souriant. Et il a raison d’être heureux, car il a réussi dans la vie : il est médecin-conseil de l’Assurance maladie, chef de service à Lille, avec autour de lui « une vingtaine de médecins-conseils collaborateurs », sans doute aussi heureux que lui.
« C’est un autre métier, plus tourné vers le management (…). Outre les conditions de travail agréables, le bon équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, j’apprécie de participer, avec d'autres, à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé (…) », nous explique-t-il. Très bien. Mais il aurait pu ajouter : finis les patients qui, comme il le déclare « avaient parfois tendance à demander tout et n’importe quoi, quels que soient le jour et l’heure », et puis aussi, comme il ne le déclare pas mais le pense peut-être : « finis les appels le soir ou au milieu de la nuit », « finie la hantise de faire une erreur diagnostique ou thérapeutique », « finie la crainte de se retrouver devant les tribunaux », ainsi que « finies les heures passées à remplir des papiers pour les soumettre… aux médecins-conseils ».
Car, comme il le raconte au début de son entretien, le Dr Pierre C. a commencé par être médecin généraliste dans une petite ville proche de l’agglomération lilloise, et c’est après cinq années qu’il s’est orienté vers son activité actuelle qui le rend si heureux. Alors, que pourront penser à la lecture de ce « parcours » les jeunes médecins dont a si cruellement besoin pour occuper des postes de médecins, non pas tellement « conseils », mais surtout « généralistes » dans nos déserts médicaux ?
Je n’ai rien contre le Dr Pierre C. en particulier ni les médecins-conseils en général. Mais tout de même, commencer le même numéro par un article s’inquiétant de l’extension des déserts médicaux et le terminer par la satisfaction d’un praticien qui au bout de cinq ans d’exercice abandonne son métier de généraliste dans une petite localité pour devenir médecin-conseil dans une grande ville, je trouve qu’il y a là un certain paradoxe. À moins que ce soit une preuve d’humour de la part des rédacteurs de ce bulletin. Qui sait ?
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation