À plus de 75 ans, Ada Yonath, chimiste, professeure à l’Institut Weizmann à Israël, multiplie les distinctions. Prix Nobel de chimie en 2009, elle est aussi Docteur Honoris Causa de plusieurs universités. Sa dernière distinction vient d’avoir lieu à Grenoble, où elle a effectué une partie de ses recherches, utilisant l’accélérateur européen de particules, l’ESRF, et où elle enseigne dans un programme européen. Elle a livré quelques clefs de son parcours, de sa vie, de ses recherches et de ses combats.
La jeune chimiste découvre les protéines
Issue d’un milieu modeste, Ada veut étudier. La jeune chimiste découvre les protéines... et sa vie bascule ! Elle se passionne pour leur fabrique : le ribosome. Lorsqu’elle en parle, « la femme à la tête pleine de ribosomes » – en référence à ses boucles et à sa passion – s’émeut : « Par millions, dans chacune de nos cellules, ils fabriquent inlassablement les protéines qui nous constituent et nous font fonctionner. Ils créent 40 liaisons peptidiques par seconde, faisant une-deux erreurs sur un million ! »
Elle se fixe alors un objectif (fou !) : comprendre son fonctionnement. Il lui faut donc sa structure. Aujourd’hui encore, obtenir la structure cristalline d’un tel complexe – 50 protéines, plus l’ARN – est un défi. Imaginez alors dans les années 1970 ! Raillée par ses paires, Ada ne se décourage pourtant pas. Elle trouve deux mentors et deux équipes qui y croient, et travaille sans relâche, entre les Instituts Weizmann, en Israël, et Max Planck, en Allemagne.
« Il nous a fallu 20 ans, moins deux semaines pour y arriver », explique-t-elle. Ses hôtes de l’UJF expliqueront qu’elle a dû innover pour tout. Nombre de ces idées sont désormais des standards.
Du ribosome aux antibiotiques
Grâce à un modèle 3D du ribosome, Ada Yonath et ses collègues comprennent l’action des antibiotiques ciblant la structure cellulaire, soit 40 % d’entre eux. Le projet académique devient science appliquée. Quatre procédés sont identifiés. Ils bloquent la progression de l’ARN messager, porteur du code génétique (édéine), la fixation de l’ARN de transfert, livreur des acides aminés (tétracycline), la sortie de la protéine naissante (erythromycine) ou encore la formation des liaisons entre les acides aminés (clindamycine).
Puis, ils localisent les sites d’action – ou d’inaction – des antibiotiques. Les failles deviennent visibles.
Vers de meilleurs antibiotiques
Que se passe-t-il si l’antibiotique ne différencie pas les ribosomes humains des ribosomes bactériens ? Il nous affaiblit. Et si la bactérie s’adapte ? C’est la résistance, « un des problèmes les plus sévères de la médecine moderne. Elle peut ramener l’époque où l’on mourait jeunes », clame la chercheuse, respectueuse de l’adaptabilité des bactéries et de leur « volonté de vivre ».
Quid de l’effet sur le microbiote ? Non discriminant, l’antibiotique tue et perturbe son équilibre fragile, au risque de conséquences graves.
Ada Yonath se fixe alors un nouveau but : découvrir de nouveaux antibiotiques, soit spécifiques d’une ou quelques bactéries, donc moins nuisibles pour l’homme et le microbiote, soit moins faciles à déjouer.
Un engagement et un message aux pharma
Tout en poursuivant ces recherches, profitant de son aura, Ada Yonath milite. Prix L’Oréal-UNESCO*, elle témoigne de sa vie familiale et de celles de ses collègues : « Avec une carrière scientifique une fille peut devenir une femme épanouie et un chercheur accompli ! »
Et elle apostrophe l’industrie : « Vous, étudiants qui entrerez dans l’industrie pharmaceutique, dites leur que l’antibiorésistance est un problème très sérieux. » Elle confiera plus tard : « Ils commencent à s’y mettre, mais pas assez. »
Ada Yonath n’aura décidément pas trop d’une vie pour tous ses combats.
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