À quoi est due la perte soudaine de l'odorat chez des personnes infectées par le SARS-CoV-2, ce signe considéré comme typique du Covid ? Si le rôle direct du virus est resté incertain, des chercheurs français montrent dans « Science Translational Medicine » qu'il semble bien en être ainsi.
L'une des hypothèses communément admises jusque-là était qu'un œdème transitoire au niveau des fentes olfactives empêchait le passage de l'air qui amène les molécules odorantes vers les cellules nerveuses olfactives.
De façon inattendue, les chercheurs de l'Institut Pasteur, du CNRS, de l'Inserm et de l'Université de Paris ainsi que de l'AP-HP montrent chez des sujets anosmiques que les tests classiques RT-PCR par écouvillonnage nasopharyngé peuvent se révéler négatifs alors même que le virus persiste au fond des cavités nasales, dans l'épithélium olfactif. Un diagnostic de Covid par brossage nasal pourrait ainsi être envisagé quand l'écouvillonnage nasopharyngé du test RT-PCR ne le détecte pas, au moins en cas d'anosmie, suggère par ailleurs cette découverte.
Persistance du virus
L'étude menée sous la direction de Pierre-Marie Lledo de l'Institut Pasteur a été conduite auprès de patients (sept ayant une anosmie liée à un Covid, quatre témoins sains) et complétée grâce à des analyses sur un modèle animal (hamster doré). Chez le rongeur, l'anosmie persiste tant que le virus est présent au niveau de l'épithélium et du bulbe olfactifs. Chez les patients infectés ayant une anosmie prolongée post-Covid, des prélèvements de muqueuse olfactive ont révélé la présence de transcrits viraux et de cellules infectées par le virus. Le SARS-CoV-2 peut persister localement au sein de l'épithélium olfactif, non pas seulement quelques semaines, mais jusqu'à six mois.
Les travaux chez le hamster ont permis d'établir la chronologie du mécanisme de la perte d'odorat : 1) les cils des neurones sensoriels, dont le rôle est de réceptionner les molécules odorantes, disparaissent après l'infection virale ; 2) le virus infecte les neurones sensoriels ; 3) l'épithélium olfactif est désorganisé en raison de la mort cellulaire (apoptose) liée au virus ; 4) le virus envahit le bulbe olfactif, le premier relais cérébral du système olfactif ; 5) plusieurs régions du cerveau présentent une neuroinflammation et de l'ARN viral.
Propagation au cerveau chez l’animal
Alors que l'invasion cérébrale par le SARS-CoV-2 est hautement débattue, cette dernière étape est un point important révélé par l'observation dans le modèle animal, souligne Hervé Bourhy de l'Institut Pasteur, co-auteur de l'étude : « le virus, une fois entré dans le bulbe olfactif, se propage à d'autres structures nerveuses où il induit une forte réponse inflammatoire ». L'infection des neurones olfactifs pourrait constituer une porte d'entrée vers le cerveau et l'atteinte de certaines aires cérébrales participer à la pathogenèse de symptômes du Covid (détresse respiratoire, dysfonctions neurologiques). Une hypothèse qui devrait être vérifiée dans d'autres études.
Pour Marc Lecuit, chercheur à l'Institut Pasteur/Inserm/Université de Paris/AP-HP et également co-auteur, « cette persistance [de la perte de l'odorat] est attribuable à la persistance du virus et de l'inflammation dans la muqueuse olfactive ». Un phénomène « qui devrait être pris en compte pour la prise en charge des patients », concluent les auteurs.
G. Dias de Melo et al., Sci Transl Med, mai 2021. doi:10.1126/scitranslmed.abf8396
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