Plus 350 médecins d’Europe de l’Est ont fait le déplacement à Barcelone pour assister au 15e congrès de la société européenne (EACS) qui s’est achevé le 24 octobre 2015.
Parmi eux, le Dr Anastasia Pokrovskaya du centre fédéral russe de recherche sur le sida dresse un triste constat de la situation dans la Fédération de Russie : « Nous ne diagnostiquons que la moitié des infections et les malades ne se rendent pas dans les centres VIH, les seuls endroits où ils peuvent recevoir un traitement gratuit par antirétroviraux, soit parcequ’ils ne les connaissent pas, soit à cause de la stigmatisation qui entoure la maladie », explique-t-elle au « Quotidien » .
La société civile russe n’a pas la réputation d’être tendre avec les marginaux, les homosexuels et les consommateurs de drogues qui constituent le gros des nouveaux cas d’infection par le VIH.
« Avec la promotion de la "Nouvelle Russie", se construit une image du retour de la bonne santé physique et morale qui met complètement le sentiment de tolérance, constate amèrement le Pr Michel Kazatchkine, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU en Europe de l’Est pour les questions touchant au VIH, les Russes voient le VIH comme un pur problème de santé publique alors qu’il faut avant tout une réponse politique que je ne vois pas arriver ».
Un problème de migrants
Cette intransigeance grippe notamment les programmes de réduction des risques. « La méthadone est interdite, explique le Dr Pokrovskaya, les quelques programmes d’échange de seringue qui existent restent très locaux, n’existent que grâce à la motivation d’associations de patients sans soutien des pouvoirs publics. » Ces mêmes pouvoirs publics freinent des quatre fers la fourniture des traitements par immunothérapie. « Le message actuel est que le VIH n’est pas le problème des Russes mais celui des migrants, poursuit le Dr Pokrovskaya, et qu’il n’est donc pas nécessaire de lui consacrer beaucoup plus de budget. À l’heure actuelle, nous estimons que seuls 30 % de nos besoins sont couverts ».
De leur coté, les ONG comme E.V.A, une association de femmes vivant avec le VIH, se débattent désespérément : « Les malades n’osent pas se signaler de peur de perdre leur travail, surtout dans les métiers physiques comme la construction où on considère qu’ils n’auront pas les capacités physiques pour continuer », nous confie sa présidente, Julia Godunova. « Les associations de patients sont très actives dans les grandes villes et parviennent parfois à infléchir les politiques, mais elles sont pratiquement inexistantes dans le reste du territoire », complète le Dr Pokrovskaya.
Sida et propagande anti russe
La Russie est un des rares pays asiatiques à ne pas ne pas participer à l’Eurasian Reduction Network financé par le fond mondial et animé par la société civile. La raison en est simple : « Une loi oblige les membres de la société civile à se déclarer "agent de l’étranger" s’ils veulent percevoir des financements internationaux, explique le Pr Kazatchkine, les ONG sont accusées de faire de la propagande anti russe dès qu’elles apportent le sujet sur la place publique. »
Selon les chiffres présentés au congrès de l’EACS, seulement 49 % des patients infectés par le VIH sont diagnostiqués, 12 % sont sous antirétroviraux et seulement 9 % ont une charge virale indétectable. Parallèlement à cette mauvaise « cascade de traitement », l’épidémie prend des proportions affolantes : « plus d’une personne sur 100 est infectée par le VIH en Russie, s’alarme le Pr Kazatchkine, c’est devenu une épidémie généralisée ». Récemment les pneumologues russes ont signalé que 15 % des nouveaux cas de tuberculoses, en peine augmentation, survenaient chez des patients atteints par le VIH.
Le vent du changement
Dans l’entourage de la ministre de la santé, le Dr Veronika Skvortsova, les discours commencent à s’infléchir, comme le rapporte le Pr Kazatchkine : « La ministre affirme que la situation est sous contrôle, mais des membres du ministère commencent à s’inquiéter et à s’intéresser à la prévention parmi les populations les plus vulnérables. » Avec le ministère de la Santé, l’agence fédérale de surveillance épidémiologique est l’autre principal interlocuteur des médecins travaillant dans le VIH. Sa toute nouvelle directrice, Anna Popova, est plus impliquée dans la lutte contre le sida que son prédécesseur. « On nous a promis un nouveau système de calcul du budget nécessaire à l’achat de traitements antirétroviraux pour l’année à venir, un système basé sur les données épidémiologiques du pays », espère le Dr Pokrovskaya.
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