« VOUS QUI VOUS PRÉOCCUPEZ aujourd’hui de vos questions de retraite, savez-vous dans quelles conditions vous allez pouvoir la vivre ? » : le Pr Olivier Lyon-Caen, ancien président de la Société française de neurologie, déplore que la société continue d’ignorer l’urgence de progresser dans la connaissance des symptômes, fonctionnements et traitements des maladies du système nerveux.
Désormais, 127 millions de patients sont touchés par une ou plusieurs maladies du cerveau en Europe, environ 15 millions de patients en France. Une situation aux conséquences économiques préoccupantes. Une étude menée par l’European Brain Council annonçait en 2004 que le coût total des maladies du cerveau s’élevait à 386 milliards d’euros en Europe, dont 179 milliards pour les seuls arrêts de travail et la baisse de productivité consécutive à un handicap permanent. « Pour sortir de cet aveuglement », la Société des neurosciences, la Société française de neurologie et la Fédération pour la recherche sur le cerveau font cause commune, interpellant les décideurs politiques et invitant les financeurs, les associations de malades à débattre avec la société civile sur l’enjeu national de faire du cerveau une priorité.
Un colloque va ainsi réunir jeudi au Collège de France les chercheurs, ceux qui organisent la recherche et la financent. L’occasion d’échanger sur la plasticité cérébrale et les nouvelles pistes de recherche notamment translationnelle, pour mieux comprendre son fonctionnement et surtout répondre aux différents problèmes liés à son vieillissement, déjà bien identifiés. Migraine, dépression, troubles du sommeil ou encore maladie de Parkinson, Alzheimer, ne sont que quelques exemples des maladies du cerveau. « La connaissance et la compréhension de leurs mécanismes doivent constituer un enjeu collectif national majeur » affirme le neurobiologiste Étienne Hirsch. La journée mondiale de lutte contre la maladie d’Alzheimer, le 21 septembre, comme le projet de faire de l’année 2013, l’année du cerveau en Europe, ne sont, selon lui, que de premières étapes dans la mobilisation aujourd’hui nécessaire.
« Nous avons besoin d’un investissement collectif d’un autre ordre », lance Olivier Lyon-Caen, coordonnateur du pôle des maladies du système nerveux et responsable du département de neurologie de la Pitié-Salpêtrière (Paris). Il s’explique. « Désormais, 35 % des dépenses de santé en Europe sont liées aux maladies du cerveau, et, sur les 40 milliards d’euros d’investissement dont a besoin la recherche française dans ce domaine chaque année, seuls 4 milliards d’euros sont dégagés sur cette activité pour l’Europe entière. » Un décalage total, qui ne permettrait donc pas de faire face aux besoins croissants imposant à la recherche de s’accélérer. Pour aider cette prise de conscience, et permettre de faire des choix, ces spécialistes invitent les acteurs et toute la société à investir dans des proportions réelles pour prévenir traiter et guérir.
Dix propositions.
Ainsi, dans une « entente sacrée », les deux sociétés et la fédération appellent d’une même voix à la mobilisation pour faire face au vieillissement de la population et le transformer en un enjeu collectif. Elles proposent la mise en place « d’un plan cerveau fondé sur 10 propositions autour duquel pourrait se construire une politique réaliste et bien plus ambitieuse ». Un chemin qui passe entre autres par le renforcement de la recherche fondamentale, qui doit être davantage pluridisciplinaire, la création de centres de recherche translationnelle « rapprochant la neurologie et la psychiatrie, qui restent jumelles », et la création de nouvelles équipes et de centres de gestion de stockage, d’analyse de données à la fois cliniques, biologiques et d’imagerie.
Ces propositions concrètes sont regroupées dans un ouvrage intitulé « Priorité cerveau : des découvertes aux traitements »*, qui sort cette semaine à l’occasion du colloque qui s’est choisi une bien belle « tête d’affiche ». Vincent Lindon sera présent jeudi pour faciliter ces investissements à la hauteur des enjeux. L’acteur explique que cet engagement aujourd’hui est pour lui « juste une évidence ». Il garde en mémoire cette petite phrase qui semble l’avoir bercé toute son enfance : « Il n’y a qu’un métier : médecin, le reste c’est pour passer le temps ! »
* Ouvrage collectif sous la direction du Pr Olivier Lyon-Caen et Étienne Hirsch, éditions Odile Jacob, 432 pages, 29 euros.
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