LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Après 30 ans de lutte contre le VIH-SIDA, devenu une maladie chronique, quel est aujourd’hui le rôle des associations ?
BRUNO SPIRE - Aux débuts de AIDES, avant l’arrivée des traitements, nous accompagnions les malades vers la mort. Puis il a fallu gérer la chronicité de la maladie. Aujourd’hui nous sommes dans la troisième phase de l’épidémie avec des thérapeutiques qui, depuis 2008, empêchent la transmission.
Il reste très important d’accompagner les personnes, de les rassurer et de les convaincre que le VIH/SIDA n’est pas une honte. La maladie n’est pas encore acceptée socialement : elle est associée à une « mauvaise conduite ». L’annonce reste une épreuve terrible. Dans le monde du travail, 9 personnes sur 10 taisent leur statut sérologique.
La question du vieillissement commence à émerger. Il existe un débat dans la communauté scientifique pour savoir si le VIH/SIDA est à l’origine d’un vieillissement plus rapide et s’il est associé à des comorbidités plus fréquentes. Cela dépend sûrement du contexte d’apparition de la maladie et du délai avant la mise sous traitements. La prise en charge en maison de retraite interroge. Comment les séropositifs seront-ils acceptés ? Faut-il faire des ghettos ? L’isolement social est-il plus grand du fait de la maladie ou de l’homosexualité ?
L’épidémie est dynamique. L’information ne suffit pas à faire changer les comportements. Elle doit être secondée par la motivation et le sentiment d’être en capacité de rester séronégatif.
Quelles actions de santé publique permettent de lutter contre l’épidémie ?
Il faut favoriser le dépistage précoce pour que les séropositifs accèdent aux traitements le plus tôt possible et qu’ainsi, le risque de transmission diminue. Beaucoup de contaminations viennent des personnes qui ne connaissent pas leur statut sérologique. Comment les amener vers le dépistage ? Le développement des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) et des auto-tests est une piste. La fusion des centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CIDDIST) et des centres de dépistage anonymes et gratuits (CDAG) en des centres de santé sexuelle est une bonne chose, quoiqu’encore médico-centrée. Nos bus permettent davantage d’aller à la rencontre des populations, comme en Guyanne où nous dépistons sur les marchés.
Il est aussi indispensable de diversifier les moyens de prévention. Nous militons pour que la stratégie de prophylaxie pré-exposition (PreP) se mette en place, avec des prises de l’antirétroviral Truvada en continu, et non plus par intermittence, chez les catégories de population qui en ont besoin.
Les associations font un grand travail de réflexion, notamment avec des chercheurs américains. En France, le Conseil national du Sida souhaité ouvrir le dialogue. Mais pour l’instant, les tutelles, notamment de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), ne répondent pas.
À coups de campagnes médiatiques parfois « choc », AIDES investit souvent la scène politique. Lors des dernières présidentielles, vous aviez notamment soumis à tous les candidats un long questionnaire qui allait au-delà des stricts enjeux liés au VIH-SIDA...
L’arrêt de l’épidémie suppose une transformation globale de la société. La bataille pour l’égalité des droits continue dans tous les domaines. La précarité sociale touche les séropositifs comme les autres malades chroniques. Ils sont 1/3 à vivre sous le seuil de pauvreté et à voir leur accès aux soins contraint alors que les franchises demeurent. La qualité des soins est remise en cause par la tarification à l’acte qui privilégie la technique, au détriment de l’écoute et d’une prise en charge globale.
Beaucoup de progrès restent à faire en direction des populations vulnérables : les étrangers malades continuent à être expulsés bien que les traitements leur soient inaccessibles dans leur pays d’origine, le taux de suicide reste très élevé chez les homosexuels, l’idée que les salles de consommation à moindre risque sont des lieux pour la santé des usagers de drogues n’est pas admise. On nous répond que cibler les minorités est une démarche communautariste. Mais l’égalité sur le papier n’est en pratique pas une évidence.
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