À CE JOUR, LE RÉSERVOIR latent de virus représente « l’obstacle le plus important à un traitement curatif de l’infection » rappellent les auteurs. Chez les patients traités par antirétroviraux, le virus persiste latent sous la forme de réservoir. Les antirétroviraux qui touchent la réplication active du virus, n’affectent pas les formes latentes ou inactives du VIH. Mais quand le traitement est arrêté, la réplication virale reprend.
« Sous le terme de réservoir, on peut entendre deux choses, décrypte le Pr Delfraissy. D’abord les endroits anatomiques où se trouve le virus : sang périphérique dans les lymphocytes, système nerveux central, muqueuse digestive, etc. Ensuite, on parle de la présence du VIH dans les cellules immunitaires, dans les CD4, où le virus reste présent sous une forme intégrée dans l’ADN de la cellule, sous la forme d’ADN proviral ». Chez les sujets traités où le virus est à un niveau indétectable, lorsque l’on active les lymphocytes CD4 in vitro, on parvient à faire répliquer une partie de ce virus intégré, (1 %), la plus grande partie ne se répliquant pas (99 %).
Le groupe de recherche dirigé par Robert Siliciano et Ya-Chi Ho (Johns Hopkins University, Baltimore), qui publie dans « Cell », est celui qui avait décrit initialement ces réservoirs en 1995. Ces auteurs se sont intéressés à cet ADN proviral présent dans les CD4 et qui n’est pas réactivable. L’originalité du travail tient au fait qu’ils ont réalisé un séquençage de cet ADN proviral non réactivable (les travaux antérieurs consistaient à seulement calculer les virus réactivés).
Siliciano et coll. ont séquencé le code génétique de provirus non réactivés (213 provirus isolés des réservoirs de 8 patients traités à la virémie indétectable). Ils observent qu’une partie de cet ADN (88 %) est porteur de mutations le rendant très probablement inapte à la réplication.
En revanche, les scientifiques observent qu’une partie de cet ADN quiescent (12 %) est très clairement identique au DNA proviral des virus qui peuvent être activés et qui se répliquent. Ils peuvent redevenir actifs capables de réplication et de transmission à une autre cellule. Ce qui est inverse à ce qui était supposé jusque-là. On croyait en effet que tout l’ADN proviral que l’on ne parvenait pas à activer était défectif et impropre à la réplication. Donc, concluent Siliciano et coll., il existe un réservoir beaucoup plus important de virus latents, potentiellement réplicatifs.
Modéliser.
Les chercheurs se sont intéressés à l’emplacement d’insertion de l’ADN proviral dans le génome des cellules infectées. Ils trouvent que 92 % de l’ADN proviral non induit est localisé dans des régions activement transcrites de l’ADN humain. « Ce qui indique que l’ADN proviral non induit n’est pas caché de manière permanente dans des régions inaccessibles, mais se trouve là où il peut être réactivé. » Les auteurs s’appuient sur une modélisation et parviennent à la conclusion que le réservoir serait 60 fois celui que l’on soupçonnait jusque-là. Le message est qu’il sera plus difficile que prévu et peut être aussi plus long de parvenir à une guérison fondée sur une éradication du virus.
Contrôle du VIH.
À l’ANRS en France, la philosophie est de s’intéresser à la « guérison fonctionnelle », commente le Pr Delfraissy. « La réflexion de l’ANRS s’appuie sur l’idée de transformer un jours toutes les personnes concernées par le VIH en contrôleurs, en s’aidant des traitements. » À cet égard, il faut noter qu’il existe deux sortes de contrôleurs du virus VIH.
D’abord, les « spontaneous controlers » (moins de 0,1 %), qui contrôlent le virus alors qu’ils n’ont pas été traités. Est suivie actuellement en France une cohorte de 250 spontaneous controlers, dont on étudie les réactions immunitaires.
Ensuite, les « post-treatment controlers » (PTC), notamment avec la cohorte française Visconti, traitée très précocement après une primo-infection. Ils représentent quelques pourcentages des patients.
« Cet article ne remet pas en questions le contrôle viral par les traitements. Mais il pose une nouvelle question sur la capacité du virus à se multiplier. Sa méthodologie est solide, et les résultats importants à retenir. »
Ils confortent la notion de la nécessité d’un traitement précoce, le plus tôt possible après la contamination, pour empêcher la constitution des réservoirs et favoriser la probabilité de guérison fonctionnelle.
« Cell » 155, 24 octobre 2013, 540-551.
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