L’équipe du Pr Mathieu Anheim, qui dirige le centre expert des maladies neurogénétiques rares à Strasbourg a mis au point un algorithme, nommé RADIAL (pour Recessive Ataxias ranking differential DIagnosis ALgorithm), qui permet de prédire le diagnostic moléculaire des 67 ataxies cérébelleuses autosomales récessives (ACAR) en se basant sur les caractéristiques cliniques du patient. Une première, dont les résultats sont publiés dans les « Annals of Neurology ».
L'algorithme a été créé à base des données de la littérature et d’avis d’experts, dans le but de guider les neurologues qui rencontrent ces patients dans leur pratique. Pour obtenir une réponse de l’algorithme, le médecin peut remplir jusqu’à 124 critères cliniques. Mais tous ne sont pas nécessaires. « Quand on connaît le patient, cela se remplit en quelques minutes et ne nécessite pas d’examen supplémentaire », précise le Pr Anheim au « Quotidien ». Parmi les critères importants, on note l’âge de début de la pathologie, la rapidité de son évolution et certains critères spécifiques. Ainsi, si un patient présente une cataracte, ce critère ajoute 3 points dans l’algorithme pour la xanthomatose cérébrotendineuse, dans laquelle la cataracte est fréquente, mais retire un point pour l’ataxie de Friedreich, où elle n’est jamais rapportée. En fonction des critères remplis, l’algorithme donne un score pour chacune des 67 ACAR, et le score le plus élevé correspond à l’affection la plus probablement en cause.
Conseil génétique et recherche
Les ACAR, qui touchent entre 1 sur 5 000 et 1 sur 10 000 personnes en France sont difficiles à diagnostiquer car elles sont très nombreuses, mais aussi très rares, et demandent à la fois une expertise clinique et l’accès à des techniques d’analyses génétiques avancées. Or, « le diagnostic permet de savoir quel est le gène responsable (ce dont les patients sont demandeurs), d’avoir une meilleure idée du pronostic de la maladie, de permettre un meilleur conseil génétique (par exemple sur le risque de récurrence au sein de la famille), et dans de rares cas, de fournir un traitement spécifique, énumère le Pr Anheim. Mais cela permettra aussi de faciliter la recherche, en rassemblant plusieurs cas similaires, ce qui est toujours compliqué dans les maladies rares. »
Face à des experts
Les résultats de cet algorithme ont été testés sur une cohorte de 834 patients provenant de 18 pays différents. La spécificité et la sensibilité des trois diagnostics proposés en priorité étaient de 92 et 95 % respectivement. Un chiffre significativement supérieur à l’évaluation par 5 experts internationaux. Le résultat était aussi obtenu en quelques secondes avec l’algorithme, quand les humains ont eu besoin en moyenne de 7 heures. « Nous avons développé une version online gratuite (http://www.radial-ataxia-algorithm.com/) de cet algorithme afin que chaque personne qui le souhaite puisse l’utiliser pour une aide au diagnostic moléculaire des ACAR », précise le Pr Anheim.
Intelligence artificielle ou pas ?
L’algorithme est fixe et n’a pas été créé en utilisant le deep learning (« apprentissage profond »). Pour le Pr Anheim, il ne s’agit donc pas d’intelligence artificielle. Par ailleurs, « la machine est plus forte que l’homme, et même que l’expert, mais elle a été créée par l’homme, utilise des données cliniques indispensables recueillies par l’homme, et donne des résultats que seul l’homme peut exploiter, en discutant avec le malade. Cette machine met en évidence les progrès accomplis par l’homme à plus d’un titre (connaissance des maladies, capacités d’analyses moléculaire, capacité à concevoir cet algorithme, capacité à diffuser cet outil sur internet…) », ajoute-t-il.
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