de notre correspondante
LE 5 AVRIL dernier, Patrick Lévy a été élu président de l’université Joseph-Fourier (UJF), l’université scientifique, technologique et médicale de Grenoble, figurant selon le classement 2011 de Shanghai parmi les 200 meilleures universités du monde. Ce PU-PH en physiologie dirige depuis 1988 au CHU de Grenoble l’exploration fonctionnelle respiratoire et le laboratoire du sommeil. En 2003, il a créé le Laboratoire HP2 (Hypoxie : Physiopathologie Cardiovasculaire et Respiratoire) dont le sujet phare est le syndrome d’apnée du sommeil (AIS). En deux ans, le HP2 obtenait le label de l’INSERM. « Intuition » et « conviction » sont les deux termes qui évoquent le mieux sont parcours qu’il évoque pour le « le Quotidien ».
Médecine et science.
Dans les années 1980 Patrick Lévy, jeune pneumologue, a eu l’idée de faire un peu de science. « C’est peut être la meilleure décision que j’ai jamais prise », en dit-il. Son DEA le mènera dans le laboratoire strasbourgeois de Pierre Dejours où l’on fait « de la physiologie pure, avec de l’expérimentation », puis la thèse lui fait côtoyer un autre physiologiste passionné, Dr Joseph Milic-Emili de l’université McGill.
Contaminé par le virus de la recherche, pourquoi choisit-il l’étude du sommeil ? La « faute » en revient à Christian Guilleminault, professeur à la prestigieuse École de médecine de Stanford, qui rend en 1987-88 visite au laboratoire où il exerce. « C’est l’homme qui a conceptualisé le syndrome de l’apnée du sommeil dans les années 1970. Clinicien, neurologue, physiologiste, il a signé 650 articles ! C’est en faisant des manips avec lui en 1987 que j’ai réalisé à quel point cette recherche aide à être rapidement plus pertinent en clinique », explique Patrick Lévy.
Après sa thèse, Patrick Lévy rentre au Laboratoire grenoblois TIMC*, réputé pour ses travaux à l’interface entre la médecine, la science et l’ingénierie. Il y passera 17 belles années, avant de lancer en 2003, le laboratoire HP2. « Dans les domaines très appliqués, il faut être très innovant ou très intégré. Et il faut être reconnu. Dans les années 1990, suivant notre intuition, des collègues lyonnais et nous avions organisé trois conférences internationales sur l’apnée du sommeil. Cela a été le début de la visibilité de Grenoble sur ce thème. J’ai senti qu’il nous fallait un laboratoire dédié », explique-t-il. Bonne intuition en effet : « Deux ans plus tard nous avons été reconnus par l’INSERM. Aujourd’hui, HP2 réunit 50 personnes et figure dans le top 5 mondial sur ce sujet, car il aborde toutes les étapes, depuis la molécule, en passant par l’expérimentation animale, jusqu’à la prise en charge des patients. »
Apnée du sommeil.
Trois résultats du HP2 font sa fierté. Grâce au modèle d’hypoxie intermittente chez le rongeur, ils ont montré que supprimer l’hypoxie ne suffit pas pour annuler les effets cardio-vasculaires chroniques de l’apnée du sommeil. Avec Harvard Medical School, HP2 a confirmé que chez l’Homme aussi l’hypoxie intermittente génère une augmentation de la pression artérielle. Enfin, le laboratoire a eu l’intuition de tester des thérapeutiques comme les statines et l’exercice.
« Une politique ambitieuse pour l’UJF et l’Université de Grenoble ». L’intitulé choisi par Patrick Lévy pour sa liste pour la candidature à la présidence de l’Université dit son programme. « Grenoble est le premier centre de recherche français après l’Ile de France. Vu la taille de l’agglomération, c’est un potentiel extraordinaire. Il faut cependant une politique d’ensemble pour faire reconnaître cette richesse. C’est mon ambition : participer à la construction d’une Université à la hauteur de son potentiel. Je souhaite qu’on exploite notre pluridisciplinarité et qu’on donne de l’essor aux sciences humaines et sociales (SHS). Les SHS ont quelque chose à apporter sur les usages des technologies. La société peut et doit discuter des apports scientifiques et techniques. Les chercheurs en SHS peuvent stimuler ce débat, le structurer, former à l’esprit critique ... »
Le nouvel élu a abordé les 100 jours de grâce de sa présidence avec une équipe déjà constituée et rapidement à l’œuvre. Il assure vouloir y mettre toute son énergie même s’il confie : « J’ai réussi à garder une demi-journée de consultation par semaine. »
*Techniques de l’ingénierie médicale et de la complexité
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