LE RING, le Pr Roger Henrion l’a toujours pratiqué et apprécié, au propre comme au figuré. Entre ses quatre cordes, depuis ses débuts en boxe anglaise aux championnats universitaires de Paris, en 1950, il aime ce sport décrié et dangereux, mais, selon lui, « physiquement et psychologiquement complet ». « La boxe, explique-t-il, permet à la fois de se libérer de son agressivité en portant des coups et de satisfaire son masochisme en en recevant. » « D’où, ajoute-t-il en souriant, depuis la tribune de l’Académie, à l’occasion du discours inaugural de sa présidence, un assez bon équilibre psychologique qui m’a été bien utile au cours de mon année de vice-présidence ». Car l’hémicycle de l’Académie nationale de médecine, ces dernières années, a parfois fait penser à un ring. « Saisie brutalement d’une véritable frénésie de réformes qui ébranlé les colonnes du temple et fissuré la cohésion de ses membres, notre compagnie est devenue clanique et a vécu sous le signe de l’affrontement, note le nouveau président, querelles et suspicions remplaçant l’habituel consensus ».
Pionnier du diagnostic prénatal.
Le Pr Henrion a d’abord acquis l’expérience des affrontements et des polémiques sur le ring de la santé publique comme gynécologue-obstétricien, PU-PH à la Maternité de Port-Royal pendant vingt-cinq ans, l’un des pionniers du diagnostic prénatal en France, auteur de la première amniocentèse précoce en 1972. Pionnier de la prise en charge des femmes contaminées par le VIH, il a créé un centre d’accueil spécialisé à Port-Royal, une association (Sida Accueil femmes enfants), recommandant dès 1985 la proposition d’un dépistage systématique aux femmes enceintes. Il devient alors une cible pour les associations qui militent contre une mesure aujourd’hui devenue consensuelle.
Quelques années plus tard, en 2003, en qualité de membre de l’Académie de médecine, il se lance dans un nouveau combat pour le dépistage, cette fois chez les personnes suspectées de viol, préconisant un test obligatoire de manière à adapter le traitement antirétroviral d’urgence prescrit aux victimes. Au cri de « Académiciens assassins, Henrion démission ! », se souvient-il, les militants d’ACt up débarquent rue Bonaparte, jetant des cendres funéraires dans le grand amphithéâtre et recouvrant de peinture rouge la façade du bâtiment. « Pourtant, confie-t-il, j’entretenais personnellement de bonnes relations avec le milieu associatif ».
Sans atteindre ce paroxysme protestataire, d’autres travaux lui ont valu de s’exposer à des polémiques retentissantes. Ainsi, quand Simone Veil lui confie, en 1994, la présidence de la Commission sur la drogue et la toxicomanie, un ministre le met en garde contre une responsabilité qu’il qualifie de suicidaire. En 2002, c’est la présidence du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles qui lui vaut d’affronter un débat très vif : siégeant côte à côte dans cette instance, les représentants des enfants à la recherche de leur origine, des mères de l’ombre, des familles d’enfants adoptés, les membres du Planning familial, les représentants du secrétariat aux droits des femmes et du ministère de la Justice, « tous dans un état de constante exaspération et de parfaite détestation réciproque ». Or, raconte-t-il, « l’expérience m’a montré que, à condition que les partenaires aient un minimum de bonne foi et le désir d’aboutir, un consensus est toujours possible. »
C’est donc ce minimum que le grand obstétricien va tenter d’accoucher, si l’on ose dire, auprès de ses éminents collègues. Pour réussir la manuvre, il entend « mettre un terme à une nette dérive du pouvoir présidentiel vers l’autoritarisme et restaurer l’équilibre des pouvoirs au sein de l’Académie, entre conseil d’administration, le secrétaire perpétuel et le président ». Il y veillera, assure-t-il, « en parfaite entente » avec son vice-président, le pharmacien Pierre Joly.
Méthodes collectivistes.
L’objectif, sans concurrence avec les nombreuses agences et autres instances de surveillance dont s’est doté l’État ces dernières années, c’est de « conserver notre rôle de vigie, garder notre hauteur de vue, choisir nos thèmes sans les multiplier et les noyer au sein d’avis de moindre intérêt, tout en sachant réagir aux grandes interrogations de l’instant concernant la santé publique ».
Et s’agissant de la polémique qui entoure depuis deux semaines la gestion de l’épidémie de grippe A(H1N1), le Pr Henrion souhaite « ne pas ajouter à la cacophonie ». Mais il rappelle que « le Collège des gynécologues obstétriciens était monté au créneau pour demander la vaccination des femmes enceintes, ainsi que celles d’autres populations cibles, comme les parents de jeunes enfants. Nous n’avons pas préconisé, rappelle-t-il, une campagne aussi extensive que celle qui a été décrétée sur la foi des prévisions des statisticiens qui, en juin dernier, avaient vu les événements en noir. De même, l’Académie avait pris position en septembre pour que les généralistes soient mis au cur du dispositif, à l’encontre des méthodes collectivistes qui ont été adoptées. Tout le problème, en l’occurrence, aura été de déterminer une juste appréciation du principe de précaution. Après ce qu’ont vécu Laurent Fabius pour le sang contaminé, ou Jean-François Mattei, pour la canicule, il faut se souvenir que les ministres de la anté sont certainement les membres du gouvernement les plus exposés. » Se prévalant de cette mémoire, le Pr Henrion, pour cette fois, s’abstiendra de monter sur le ring de la santé publique.
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