Un traitement précoce pour tout le monde et un dépistage plus ciblé. Telles sont les deux principales recommandations du rapport 2013 sur la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH. Élaboré tous les 3 ans, ce document, multidisciplinaire et toujours très attendu, était placé cette année sous la responsabilité du Pr Philippe Morlat, chef du service de médecine interne et des maladies infectieuses de l’Hôpital Saint-André au CHU de Bordeaux. Le groupe d’experts était composé de vingt et un cliniciens, biologistes, scientifiques et de deux représentants du milieu associatif.
Principale nouveauté : les experts recommandent désormais la mise en place d’un traitement antirétroviral chez toutes les personnes vivant avec le VIH, sans tenir compte de paramètres cliniques ou biologiques. Cette recommandation s’appuie sur l’amélioration du rapport bénéfice/risque des trithérapies les plus récentes et la mise en évidence de l’intérêt majeur du traitement pour limiter la transmission du VIH (« treatment as prevention » [TASP]). « L’objectif est d’abord de mieux traiter les personnes mais aussi de participer à la baisse de l’épidémie, qui reste toujours active en France puisqu’on y enregistre entre 6 000 à 8 000 nouvelles contaminations par an. Traiter au plus près du diagnostic apporte un bénéfice au patient mais est aussi un moyen de participer à la réduction de l’épidémie puisqu’il est acquis désormais qu’une personne avec une charge virale indétectable, a une probabilité quasi nulle de transmettre le virus », souligne le Pr Morlat.
Dans ce rapport 2013, les experts ont aussi choisi d’en finir avec la logique du dépistage généralisé qui avait été mise en avant en 2010. « Cette question du dépistage est cruciale. On estime toujours à environ 30 000 le nombre de personnes en France qui sont porteuses du VIH mais qui l’ignorent. Schématiquement, elles se répartissent de la manière suivante : un tiers d’homosexuels masculins, un tiers de migrant(e)s originaires d’Afrique subsahariennes et un tiers d’hétérosexuels français, hommes et femmes », explique le Pr Morlat. L’idée est d’avoir une politique plus ciblée, principalement en direction des personnes appartenant aux deux premières catégories. « C’est pour celles de la troisième catégorie que le dépistage généralisé avait été instauré. Mais on constate que cette stratégie a été un échec. Les généralistes ont beaucoup de mal, et cela peut se comprendre, d’aborder la question du dépistage avec des patients qui viennent consulter pour un tout autre motif. Désormais, l’idée est de proposer le test devant un certain nombre de pathologies (telles IST, cancers, pneumopathies, etc.) possiblement évocatrices d’une infection à VIH », précise-t-il.
Tests rapides et auto tests
Les experts se montrent aussi favorables à une mise à disposition plus large des tests rapides à orientation diagnostique (TROD) pouvant notamment être réalisés dans le milieu associatif. « Enfin, nous estimons que les auto tests peuvent avoir un intérêt, mais à condition qu’ils viennent en complément du dépistage habituel, sans le remplacer. Car ils sont un peu moins fiables que les tests classiques », souligne le Pr Morlat, en insistant aussi sur la nécessité de mettre en place des mesures d’accompagnement des utilisateurs de ces auto tests et une évaluation prospective de leur usage.
Enfin, le Pr Morlat tient à préciser que, pour la première fois, des considérations d’ordre médicoéconomiques ont été intégrées aux recommandations. « Les médecins ne peuvent ignorer le coût élevé pour la collectivité de ces prises en charge. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité alléger certains bilans biologiques mais aussi tenir compte, à rapport efficacité/tolérance similaire, du coût des molécules dans nos préconisations thérapeutiques ».
D’après un entretien avec Pr Philippe Morlat, chef du service de médecine interne et des maladies infectieuses du CHU Saint-André de Bordeaux.
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